Battles. Partie 1. Paul en prison. Battles malmené.
6. Affaiblissement et compromission. Paul en prison.
Paul est enfermé à la prison Etoile où il est rééduqué par l'instructeur Winger. Traitements médicaux, maltraitance et interrogatoires serrés font partie du programme. Malgré sa vaillance, celui qui fut Battles commence à s'affaiblir.
Tout de même, il y avait cet amour partagé, ce mariage, ces deux enfants et ces retrouvailles malgré les difficultés. Lisbeth...Il restait à Paul à s'accrocher à ces moments de lucidité où il se reprenait mais ils duraient peu. Il y eut des jours où il s'effondra au travail et où le remit en cellule. D'autres où il devint fou furieux d'être ainsi enfermé et où on dut l'attacher. Alors qu'il supportait bien Koba, il se mit à le haïr. Comment supporter une compagnie uniquement masculine ? Un soir, Paul se tapa la tête contre les murs à s'en blesser...Markus Winger arriva très rapidement et à deux, ils réussirent à faire asseoir Paul et à le menotter.
-Qu'est-ce que tu as ? Tu es hagard !
-Je suis enfermé avec lui. Je ne veux pas !
-C'est réglementaire.
-Il me suit partout.
-C'est une simple routine. Ne panique pas : ce gardien est comme ça, il est insistant. En même temps, c'est un très bon élément.
Paul rageait et pleurait.
-Instructeur, je vous en prie...
-Bon il va partir. Voilà, il part ! Regarde-moi ça ! Tu as le visage en sang. Tu as de la chance de m'avoir pour instructeur. J'ai apporté de quoi te soigner...
En effet, il désinfecta ses plaies et mit un pansement sur certaines d'entre elles. Quand il eut fini, il jeta dans une corbeille la gaze et le coton souillés dont il s'était servi. Il avait, pour opérer, placé son visage tout près de celui de Paul et de temps à autres, il plongeait ses yeux bleu dur dans les siens. C'était bien là l'essence du mal, l'intention nichée dans ces regards... Je suis persuasif et violent, tu n'as plus de libre arbitre, tu dépends de mon bon vouloir et comme je suis un être cruel...
-On va parler...
Il lui désignait un siège dans sa cellule. Comme Paul s'asseyait, le gardien revint, remit de l'ordre et tendit un verre d'eau et un médicament à l'instructeur.
-Bois.
-Non !
-Comment ça, non ? Tu n'as pas toute ta tête, là. Prends ce calmant, c'est un ordre.
Paul secoua la tête négativement.
-Intraveineuse. Je téléphone ? Comme ça tu repartiras avec Koba et d'autres. La dernière fois, ça ne t'a pas plu, l'infirmerie, l'hôpital...
-N'en faites rien...Instructeur...
-Parfait. Bois.
Paul céda et resta un moment silencieux et prostré. L'instructeur allait et venait dans sa cellule, vérifiant que tout y était réglementaire. Quand il fut satisfait, il prit une chaise qu'il plaça en face de celle de Paul et s'assit très près de lui. Leurs genoux se touchaient.
-On dirait que ça va mieux…C'est la fin de la phase 2. C'est normal ce qui arrive.
-Qu'est-ce qui arrive ?
-Il y a encore des moments où tu ne peux admettre que c’est nous qui avons le dessus, mais plus ça va, plus tu comprends que tu te trompes. Le pouvoir, c'est nous qui l'avons, pas toi...
Paul frémit et Winger se pencha pour lui parler à l'oreille avec méthode et douceur. Il était très beau et Paul, bien qu'il eût l'esprit embrouillé, en avait conscience. Il avait cet harmonieux visage près du sien, cette belle ligne de sourcils et cette voix...
-En termes imagés, tu te fais mettre continuellement car tel est notre bon vouloir, le mien surtout... C’est difficile et douloureux...Il faut que tu lâches tout ce à quoi tu t'es accroché, cette parodie d'héroïsme. Tu n'es plus cette personne, Paul et si tu l'es encore parfois, c’est pour peu de temps. Tu es vaincu...Tu sais, ça ?
Et sûr de son effet, il poursuivit en effleurant de ses lèvres la joue de Paul :
-Tu comprends ?
Le prisonnier releva sauvagement la tête et cria de nouveau à plusieurs reprises.
-Chut, voyons...
Il voulut se lever mais l'instructeur le retint par le bras et le surprit en l'embrassant sur les lèvres sans insister. Il avait une haleine légèrement mentholée. Une cigarette qu'il avait fumée, peut-être...Paul aurait dû être choqué mais curieusement, ce baiser fit tomber sa colère. Après lui avoir souri brièvement, Winger se leva et l'invita à faire de même.
-Tu vas continuer avec Koba. Il n'y aura plus de fouille au corps et la nuit, tu dormiras seul, entravé certes mais non plus filmé. Ton gardien aura ordre de me prévenir en cas de problème. Et de toute façon, je serai là chaque soir.
-Instructeur...
-N'est-ce pas un honneur ?
Paul acquiesça sans y croire mais dès le lendemain, Winger entra dans sa cellule juste avant l’extinction des feux. Souriant, il regarda Paul retirer ses vêtements et se doucher avant de revêtir le pyjama réglementaire. Quelquefois, tout se passait très vite mais à d'autres moments, Winger lui disait de rester nu et l'observait. Lentement, il tournait plusieurs fois autour de lui en se raclant la gorge et Paul était brusquement sensible à son odeur. Qu'est-ce c'était ? Menthe et vétiver, des fragrances masculines subtilement mariées...Au bout d'un moment, il lui disait de s'habiller et partait.
-Parfait, détenu, tu sais me complaire.
Et Paul devait bien s'avouer qu'il avait raison. Les entretiens se poursuivaient et tendaient tous vers le même but : faire reconnaître à ce prisonnier anonyme l'imposture de sa vie passée. Il avait un journaliste à la mode, un fin lettré, un mondain et un homme à femmes mais tout cela était vain. Son mariage surtout, que l'instructeur présentait comme un long mensonge. Même son rapport à la paternité était douteux. Il s'était débarrassé de ses enfants, lui-même ayant été un fils étrange.