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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.

12 mars 2024

Battles. Partie 4. Paul et Alstrholm. Retrouver Etoile.

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Paul devait maintenant rencontrer Per Alstrohm, son second informateur.  Nettement plus stylé que son prédécesseur, il devait avoir trente-cinq ans et portait beau. Il fit preuve d'habileté et de sollicitude.

-Nous allons laisser monsieur...

-Keretz.

-Keretz donc visionner les documents qu'ils souhaitent dans cette salle. Ils seront présentés bientôt dans diverses expositions et sont au point. Et pour ce qui nous concerne, vous allez me suivre. Ils prirent place dans un bureau coquet et bien chauffé.

Esmed fit un signe de tête. Il ne voulait pas.

-Un instant, dit Paul à son guide.

Il s'écarta pour parler au jeune homme.

-Tu dois attendre.

-Tu te retournes contre nous ! Je savais que tu le ferais !

-Mais non !

-Tu es un menteur. On dirait que tout ce qu'il y a ici te fascine !

-Ce n'est pas exactement cela. On parlera plus tard.

-Pourquoi plus tard ?

-Je dois poursuivre.

Esmed était sidéré et blessé.

Per Alstrohm fut d'une exquise politesse.

-Revenir dans ces lieux doit être très éprouvant.

-Oui, ça l'est.

-Nous avons beaucoup à nous dire mais avant que nous discutions, je pense que manger quelque chose vous ferait du bien...

-Je ne dis pas non. Nous avons beaucoup marché.

Paul se sustenta puis ils parlèrent.

-Sachant que vous viendriez et qu'il fallait tout de même nourrir vos réflexions, je vous ai préparé des dossiers sur le naufrage de cette prison. Il est bon de savoir que tout ce qui s'y passait de mal a pris fin...Vous y trouverez des photos saisissantes des derniers jours de son existence ! Vous saurez aussi ce qu'il est advenu des prisonniers et quel sort a été réservés aux administratifs coupables de faits dégradants, car il y en a eu. Vous vouliez savoir ce qui était advenu des instructeurs, je crois. Rien n'a été ébruité mais aussi affolant que cela puisse paraître, ils se sont tous donnés la mort. Certains l'ont fait quand le mécanisme de la prison s'est enrayé car il y a des émeutes et des révoltes ici. Les autres se sont tués après. Le plus curieux est qu'ils avaient réussi à s'enfuir et à se cacher...Ils avaient moins de chances d'être reconnus que les gardiens de base, qui rudoyaient beaucoup de prisonniers, mais voyez-vous, ils l'ont fait...

-Le mien est mort dans une embuscade.

-Oui, c'est une exception.

Il fit apporter du café et une riche collation car l'heure tournait et Paul paraissait avoir froid.

-Je crois que vous savez qui ont été vos délateurs...

-Oui.

-Ils sont vivants ?

-Certains d'entre eux, oui. Ils se portent fort bien !

-Il y avait beaucoup de dénonciations calomnieuses, je ne vous apprends rien et d'autres très arbitraires. Mis à part les droit commun, dont a, quand on l'a pu, réexaminé les dossiers,  la plupart des gens qui ont été emprisonnés ici ont recouvré la liberté. Leurs séquelles sont diverses. Quant à tous ceux qui encadraient les prisonniers, certains ont été sanctionnés et d'autres font l'objet de recherches...C'est une période compliquée...

-Oui, je m'en rends bien compte.

-Je ne vous cache pas...

-Qu'ils ont retourné leur veste, je m'en doute bien.

-Mais vous souhaitez qu'on en revienne à votre cas, ce qui est compréhensible...Vous en savez plus que moi sur celui qui devait vous rééduquer donc je n'insisterai pas. Par contre, pour avoir bien étudié la question, je dirais que les instructeurs n'étaient pas tous comme lui. En général, ils étaient moins violents physiquement car ils laissaient ce soin à d'autres ; par contre, ils pouvaient interroger jour et nuit, ce que le vôtre n'a pas fait. Une fois le programme de rééducation enclenché, il suivait de prêt leur proie mais il n'y avait pas forcément d'élection. Votre instructeur semble vraiment vous avoir choisi. Il voulait s'attacher à vos pas. Je n'invente rien, je vous ai lu. Ce n'était pas courant d'agir ainsi...

-Vraiment ?

-Oui, vraiment. Et ça a dû rendre votre tâche difficile car vous avez reçu de la détestation mais aussi de l'empathie.

-Un damné à qui on explique qu'il a droit à une étrange rédemption...

-J'imagine que c'est cela et je pense que vous avez su trancher dans le vif.

-Je pense. Néanmoins...

-Oui, je vous écoute.

 

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12 mars 2024

Battles. Partie 4. Infaillibles et cruels instructeurs.

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-Vous présentez les instructeurs comme des êtres sans faille...

-Ils avaient la formation requise.

-Pourtant une fois, je me souviens, ma gardienne m'a incité à la posséder. C'était en dehors de tout ordre, de toute consigne ; Mon instructeur en a été incommodé...Il semblait ne rien avoir contrôlé.

-Les candidats à la rééducation étaient si peu nombreux et ceux qui les encadraient si rigoureusement choisis que je peine à vous croire. Ça aura été une ruse de plus...

Paul, qui avait enfoui au plus profond de lui cet épisode avec la gardienne Xest, savait désormais de quoi il retournait...

-En même temps, je voudrais nuancer l'avenir que vous auriez eu à Dannick avec lui. Ces gens-là avaient des codes moraux qui leur étaient propres. Je dispose sur certains instructeurs de documents secrets qui m'ont permis de mieux cerner leur personnalité. Le vôtre paraissait intouchable. A priori le directeur en place, bien que marié et père de famille, avait du goût pour lui. Ils se voyaient discrètement. Ne croyez pas que je m'érige en juge face à ce type d'attirance. Ici, il y a une note perverse. Voyez-vous, celui dont on vous a crédité avait de forts appuis politiques.

-De type à intimider un directeur de prison ?

-A sérieusement l'influencer, oui. Même si vous lui êtes supérieur, face à quelqu'un d'aussi puissant, vous cédez.

-Tue celui-ci, ne tue pas celui-là...

-Je crois que c'est cela. Il y a aussi : celui-là, laisse-moi jouer avec lui comme je l'entends. Et cet autre, je n'en veux pas...

Paul apprécia mais resta silencieux.

-Monsieur Kavan, les instructeurs étaient malgré tout programmés pour tuer. J'ai donc quelques raisons de penser que son maintien à vos côtés une fois que vous seriez devenu l'un des chantres du régime n'aurait pas été paisible. Un écart, même involontaire, et vous étiez perdu.

-J'y ai souvent pensé.

-Ceci dit, il avait une relation étroite avec vous. Il se serait peut-être contenté de vous intimider...

-Il l'aurait fait au début. Mais changeons de sujet. Dites-moi, vous avez entendu parler de traitements médicamenteux et d' opération...

-Oui. Ce qui se pratiquait sur les prisonniers politiques...Ce sujet ne fait pas encore l'objet d'une information grand public.

-Je m'en doute bien.

-Cette façon de vous contrôler était abjecte. Là, où vous êtes allé ensuite, on a dû vous soigner pour cela...

-On l'a fait.

-Permettez-moi de revenir sur le sujet. Je suis avant tout un historien doté, je l'espère, d'une certaine psychologie. Ne perdez pas de vue qu'on vous a livré à quelqu'un de diabolique...Ce qui est surprenant, c'est que vous soyez là. Voyez-vous, je me suis penché sur la question suivante : qu'en était-il des candidats à la rééducation ? Environ soixante-quinze pour cent intégrait le système pour lequel on les avait préparés. Inutile de vous dire que l'effondrement de la dictature les a laissés démunis. Comme je vous l'ai dit, ils ont mis fin à leurs jours. Il aurait été difficile de savoir quoi faire d'eux, de toute façon. Dix pour cent ont été suicidés car ils ne réagissaient de façon inadéquate à leur transformation. Certains étaient devenus fous...Enfin, les cinq pour cent restant ont été des dissidents. Ils ont tenté de s'évader et sont morts dans les montagnes sans qu'on s'acharne à les retrouver. Ils se sont épuisés d'eux-mêmes. Il s'agit ici d'une moyenne. Les instructeurs, au départ, étaient beaucoup moins efficaces. En dix ans, ils sont devenus très performants.

-Et ceux qui sont dans mon cas ?

-On a tenté de s'emparer de certains d'entre eux, dont vous, pendant leur convoyage ou dès leur arrivée à Dannick mais là encore, les chiffres sont alarmants. Vous êtes très peu à vous en être tirés et le fait est que rares sont ceux qui ont voulu retrouver leur pays...

-Et encore plus rares ceux qui sont revenus dans cette machine à broyer...

-Oui, l'expression est juste. Toutefois, il s'agissait d'une machine complexe qui fabriquait beaucoup de produits de première nécessité et offrait des emplois en débarrassant la société d'éléments nuisibles. Je ne vous apprends rien : la propagande a été efficace. On a trouvé Étoile très productive...

Paul en avait assez appris. Il consulta les dossiers que son interlocuteur lui montrait et en reçut des copies puis il l'interrogea sur le devenir de la prison. Après lui avoir longuement répondu, Per Alstrohm lui dit encore :

-Il y a déjà une petite ville ici et honnêtement c'est très bien ! Les jeunes générations ne devront plus avoir peur de cette zone et de cette prison. Bien sûr, le climat est rude mais ceux qui vivent déjà ici trouvent à se distraire. Alors, une grande !

 

 

12 mars 2024

Battles. Partie 4. Etoile. Le moins éprouvant...

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Il était temps de laisser Paul faire des recherches seuls et prendre des notes. Celui-ci prit son temps et oublia l’heure. Soudain, il s'avisa que Esmed devait peiner à l'attendre. Il demanda à le rejoindre.

-Tu as trouvé à t'occuper !

-Passionnant...

-Bon...On t'a donné quelque chose à manger quand même ?

-Oui.

Il fallut remercier et serrer des mains car d'autres administratifs venaient d'arriver. Et recevoir une mallette pleine d'archives.

De nouveau, il fallut franchir des enceintes et passer des contrôles. Le chauffeur et le policier retrouvés, on roula. Esmed était tétanisé. Paul tenta de le rassurer.

-On rentre. C’était long ! Plus de six heures...Une vraie épreuve.

-Tu es fatigué. Moi-aussi.

-Il y a du café et des fruits secs, on en prendra en route.

-Non.

-Tu te raviseras.

-On verra.

Un silence complet s'installa dans le véhicule. Esmed s'endormit et Paul regarda défiler le paysage. On fit un premier arrêt et le jeune homme vomit puis resta pâle et fermé, un mouchoir sur sa bouche. Le temps, qui était gris, devint soudain mauvais. Une pluie de plus en plus violente ralentit le véhicule. Rentrer prendrait du temps. Paul, Kerm et Orianitz se concertèrent.

-Je peux vous ramener malgré tout !

-Merci Kerm mais nous sommes tous fatigués. On peut s'arrêter pour dormir. C'est autorisé. Ce sera rustique.

Orianitz ajouta :

-Il doit y avoir tout ce qu'il nous faut.

-Alors, allons-y.

On s'arrêta donc. C'était militaire. Juste un salon et deux chambres. Quelques vivres pour faire un repas. Paul et le chauffeur se hâtèrent d'aller charger les poêles dans les chambres tandis que le policier faisait partir un feu de cheminée. On vérifia ensuite les couvertures et les provisions et on vérifia la sécurité de la maison. Esmed, ahuri, regarda tout le monde s'agiter, but du thé chaud avec eux puis insista pour parler à Paul.

-Pas maintenant.

Il avait raison, il était encore tôt. Le jeune homme dénicha des jeux de société et ils s'occupèrent à y jouer en attendant le dîner que Paul prépara avec le chauffeur. On se répartit ensuite pour dormir. Le policier dans le salon, le chauffeur dans une des chambres, Esmed et Paul dans la seconde car le jeune pianiste ne voulait pas rester seul. Et il voulait aussi que son mentor s'explique.

-Alors, c'était qui cet instructeur ?

-Il s'appelait Markus Winger.

-Tu lui as parlé tout à l'heure !

-Je lui ai dit que j'étais un homme libre.

-Tu as dit ça à un mort. Quoi, il ne l'est pas ?

-Il l'est.

-Tu avais des sentiments pour lui ? Il faut en avoir pour s'adresser à quelqu'un comme ça des années après ! Tu m'as bien parlé d'un tueur pourtant ?

-Si on te traitait comme il l'a fait, tu en éprouverais toi-aussi, des sentiments.

-Mais ce n'était pas de la détestation, là !  Il aurait pu tuer mes parents et d'ailleurs, il l'a fait à demi puisque mon père va mourir !

-Des gens comme lui suicident beaucoup d'êtres sans même savoir qui ils y sont. Ceci dit, j'étais rééduqué : je ne pouvais pas le détester.

12 mars 2024

Battles. Partie 4.

 

-Il existe toujours des gens comme lui ?

-Oui. Pour que d'autres fassent comme eux, ce genre de fanatiques fabriquent des clones. Ceux-ci tuent, à leur tour.

-Donc on rééduque toujours ?

-Je pense que oui, sous une forme différente. J'ai eu beaucoup de chance, j'ai échappé à ce formatage.

-Et mes parents ? Et moi ?

-Je fais tout ce que je peux pour des gens comme tes parents, pour toi.  Tu sais, ma femme croit aux anges et aux démons. Elle y a toujours cru. Moi, je m'en moquais mais une fois face à lui, j'ai cessé de rire. Il était mon démon. Je me suis retrouvé aux antipodes de ce que je croyais être, si vulnérable et vil au fond...Moi, le héros, l'homme de l'ombre qui galvanisait ceux qui m'écoutaient à la radio, j'étais là à vouloir être servile. Ne crois pas que les années effacent ce type d'effroi car c'est bien de l'effroi que j'ai éprouvé en prison et ensuite. Mais à tout démon son ange. J'ai traversé ces épreuves.

Le silence régna entre eux, si pesant qu'ils en eurent mal.

-Tu ne veux rien dire ?

-Non.

-Mais c'est fini cette histoire ! Tu voulais juste revoir cette prison ?

-Oui, c'est cela.

-J'aurais encore des questions...

-Je suis éreinté Esmed et tu l'es aussi.

-C'est vrai. Mais madame Egorff a bien dû te questionner elle-aussi !

-Pas autant que toi.

-Ah !

Le jeune homme s'endormit vite. Paul pensa lui à la mèche de cheveux qu'il avait laissée dans le bureau de l'instructeur mais il refusa de s'appesantir ; et de toute façon, le sommeil le prit.

Le lendemain, ils roulèrent encore mais moins longtemps. A un moment, Esmed dit :

-Père ne sait pas que je suis allé à Étoile. Il en serait affecté.

-Il faut transférer ton père à Dannick. Il y sera mieux soigné.

-Il ne veut pas.

-Ne dis pas cela.

Magda, qui les attendait dans leur chambre d'hôtes, fut contente de les voir. Elle leur prépara un bon déjeuner puis le jeune homme alla voir sa famille.

 Magda fut plus libre pour parler à Paul.

-Très difficile ?

-Oui. Ces salles, ces couloirs, ces vidéos...J'étais bouleversé. Et lui, plus encore.

-Cette prison, il l'a vue et c'est très bien.

-Son père ?

-Sa maladie progresse et les émotions fortes ne lui sont pas bénéfiques. Chaque fois qu'il voit son fils, il s'agite. Mais l'alerte est passée.

-Il faut les faire partir d'ici. On convoiera les deux femmes en voiture et le malade en hélicoptère. Cet endroit est trop nocif, la prison trop proche. Ils ont toujours refusé de bouger mais ce n'est plus tenable.  A vous de voir néanmoins.

Magda hocha la tête.

-J'approuve cette décision. Mais Esmed et vous ! Vous dites que tout s'est bien passé mais...

-On dirait des fantômes qui reviennent du pays des Morts ?

-A vrai dire, oui, c'est un peu cela. J'ai toute sorte de documents à consulter. Ça vous ennuie si je m'isole ?

-Non.

Esmed revint un peu en retard et elle lui sourit. Il avait un paquet avec lui.

-Un autre pull-over ?

-Oui, madame Egorff. Rouge.

Le reste de la journée, il fut calme et posé. Il s'était repris et ne questionna pas Paul.

12 mars 2024

Battles. Partie 4. Après l'épreuve.

 

 

Le lendemain ils partirent. Au retour, alors que chacun regagnait ses appartements, Magda fut claire :

-J'ai parlé à Inna et Irina. Elles disent vouloir rester à Vardar mais n'y croient pas elles-mêmes. Elles vivront mieux à Dannick. Par contre, Max est condamné.

-Le Bien et le Mal ne sont pas symétriques et ils ne s'entachent pas  l'un l'autre comme on le dit souvent. Même si sa vie s'achève, il sera mieux dans une ville où il a été si applaudi !

-C'est vrai.

-Magda, j'ai fait presque tout le chemin. Il me faut arriver à son terme.

Elle prit ses mains dans les siennes et il en eut les larmes aux yeux.

-Il a dû chercher à savoir ce qui a pu vous arriver comme moi d'ailleurs. Je vous ai peu questionné, lui a du vouloir le faire : il est jeune. Vous avez fait du chemin, oui...

-Il en fera aussi ?

-Il est en route. Vous comptez beaucoup pour lui. Il faudra lui parler.

-Je vais le voir ?

-Oui.

Esmed lui battit froid mais quand le transfert des siens fut devenu réalité, il fut ravi.

-J’habite toujours ici !

-C'est bien !

-Je préfère. Tu t'occupes de mes concerts ?

-Toujours.

-Tu me vois comme un jeune artiste doué et écervelé, une petite personne compliquée, sensible et têtue. Je me trompe ?

-Non, pas vraiment.

Une grimace du jeune homme le fit sourire.

-Ah !

Il enchaîna :

-Mon père sera mort bientôt.

-Oui, malheureusement. Mais ta mère et ta sœur sont là et elles s'épanouissent !

-Mais pas mon père.

-Non, bien sûr.

-Deviens mon père.

-Esmed, j'ai déjà deux grands enfants, tu sais ! De plus, ma belle-fille est enceinte. Et ma fille, qui vit en Amérique, l'est aussi.

-Sois mon nouveau père. Qu'est-ce qui t'en empêche ?

C'était désarmant. Sa demande profonde était là.

-Alors ?

-Que puis-je faire face à quelqu'un d'aussi futé ! Je suis plus jeune   que lui et une fibre artistique moins développée mais ça pourrait faire l'affaire.

-C'est certain.

Paul travailla encore pour l'institut culturel continuant de suivre la carrière des jeunes artistes que Magda lui avait demandé de mettre en avant et s'occupant de pousser la carrière de nouvelles recrues. Un an après le périple de Paul à Étoile, Esmed perdit son père et en souffrit. A Dannick, eut lieu une belle cérémonie funéraire. Le jeune pianiste ne retint pas ses larmes. Toutefois, sa carrière prenant son essor, il pansa ses plaies. Inna était paisible, Irina jouait du violon. Et Paul était grand-père.

-Colin, mon fils, a eu un petit garçon avec Ann. Ils sont à Munich. Lisbeth et moi allons les voir sous peu. Une petite merveille nous attend. Ensuite, Lisa accouchera. Nous irons en Amérique.

-Et ensuite, tu rentreras.

-Bien sûr.

-Magda Egorff est une grande dame. Elle est bien pour toi. Parfaite, même.

-Pas si vite.

-C'est une évidence.

 

 

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9 mars 2024

Battles. Partie 4. Apaisé en Ambranie.

 

 

Il hésita encore puis comprit que c'était vrai. Avec Magda, il se sentit tout de suite heureux. Ils avaient tant en commun ! La première nuit où il dormit avec elle, il fit un rêve.  La cravache de l'instructeur était brisée. Il eut la vision de fins cheveux blonds se dispersant au vent. Toutefois, il les vit se rassembler de nouveau et dans le bureau d’Étoile où, jadis, il avait été interrogé, Paul les retrouva. Ils formaient un petit éclat d'or sur le bureau. Ce rêve fut désagréable mais à cette étape de sa vie, il était heureux et ne s'en soucia pas. Du reste, au terme de trois années de labeur, il délaissa ses fonctions et céda sa place. Il refusa une charge honorifique à l'école de journalisme car de nouveau, il voulait se consacrer à l'écriture. Il avait songé à superviser les rééditions d'auteurs ambraniens qui lui tenaient à cœur ainsi que les traductions de leurs livres mais c'était une tâche trop lourde. Il se contenta donc de traduire en anglais et en allemand avec des traducteurs chevronnés un roman qu'il aimait bien. Il s'agissait de Clementia Habis de Walter Domitia.  Ce roman était centré sur l’échec d'un mariage et la renaissance de l'épouse. Héritière d'une grosse fortune, Clementia épousait un intriguant, divorçait puis se réalisait en écrivain des sonnets et en voyageant de par le monde. Le roman avait pour cadre une Dannick qui évoquait la Vienne de Freud. C'était un beau portrait de femme et Paul en le traduisant le vécut comme un hommage à Lisbeth.

Peu après, il fit paraître Le Château des artistes, qui évoquait le « phalanstère » de Magda pendant les années de dictature et passa beaucoup de temps avec elle à évoquer cette épopée.  Sachant que Les Ombres de la liberté faisait l'objet de nombreuses rééditions,sa réputation d'écrivain se renforça et il attira le respect.

Lisbeth séjourna plusieurs fois à Dannick et il alla la voir chez les sœurs. Tous deux virent Colin, sa femme et leur petit Anton. En Amérique, ils découvrirent Flora, la fille de Lisa. Puis tout changea encore. La carrière internationale d'Esmed avait pris corps et Paul   l'accompagna partout, aplanissant toute difficulté. Un jour, celui-ci revint sur les années difficiles qu'il avait traversées avant de rencontrer Magda.

-Mes parents m'ont installé chez une cousine à Dannick et je devais aller au lycée et aux cours de musique. Mais il y a eu ce contrat immonde que je ne voulais pas signer et les menaces. J'ai vécu n'importe comment. J'avais dix-sept ans. Je n'ai rien voulu dire à mes Ils n'ont jamais rien su. Magda m'a trouvé et aidé.  Elle vient d'une famille puissante, ils n'ont pas osé. Et tu vois, maintenant !

-Et s'ils l'avaient fait ?

-Elle m'aurait fait passer en Suisse.

Il n'en dit pas plus et s'étonna qu'il fût resté aussi digne. Plus tard, le jeune homme lui dit :

-Tu sais, quand je me sentais très seul, je pensais à mes parents et à ma sœur. A plusieurs reprises, j'ai eu le sentiment de leur présence. Il suffisait d'ouvrir les yeux en gardant les paupières fermées et dans cet univers intérieur, ils étaient réellement là. Je crois qu'eux-aussi rêvaient de cette façon et ça nous guérissait de ces injustices et de notre séparation.

La musique l'avait beaucoup guéri aussi et il vivait pour elle. Paul, quand il le contemplait, se disait que s'il avait été musicien, sa vie aurait été différente. Esmed ayant des contrats en Allemagne, en Autriche, en Italie, en France et en Suisse, il y avait beaucoup à faire. Au fil du temps, Paul devint vraiment mélomane et se mit à écouter les voix secrètes de Brahms, Mozart, Chopin ou Debussy. Et puis un jour, il se sentit vieilli.

 

 

9 mars 2024

Battles. Partie 4. Et ce fut tout.

Dans le nord du pays, là où avait régné la désolation, tout avait changé. Des camions avaient déjà emporté d’Étoile les derniers vestiges d'un univers carcéral que certains devaient regretter. Outre les usines, il y avait une ville maintenant, un aéroport où des avions atterrissaient, des écoles, des théâtres, des salles de sport. On avait érigé un musée qui évoquait les horreurs commises. A voir les photos, Paul était surpris de toutes ses réalisations. La Ville s'appelait Cordis. Y vivaient des travailleurs d'aujourd'hui. Ni Magda ni Esmed n'évoquaient un voyage là-bas. Paul le vivrait mal malgré tout. Ces derniers temps, il était moins actif. Esmed s'était trouvé quelqu'un de fort qui l'aidait dans ses tournées et il s'assumait davantage. Paul, plus sédentaire, lisait beaucoup. Il s'était apaisé et avait constaté que sa vie s'unifiait. Lui aurait-on demandé des années auparavant de prédire son avenir, il n'aurait certainement pas imaginé mener une existence aussi haute en couleurs ! Elle était sereine et le resta longtemps. Puis un jour, alors qu'il découvrait un de ces nouveaux auteurs ambraniens qui le ravissaient, il fut surpris. Le marque page, dans son livre, n'était plus le même. Il avait laissé un signet rectangulaire représentant un tableau abstrait, il retrouva une photo. C'était celle de l'instructeur mort. Il se dit :

-Qu'est-ce ça fait là ?

Et il déchira cette photo qu'il avait reçue en Angleterre. Le lendemain, il y en avait une autre. C'était lui et Winger à Étoile, quand sa rééducation était terminée et que son transfert s'annonçait. Ils étaient l'un et l'autre debout dans le logement de l'instructeur. Celui-ci portait un pantalon de cheval et un pull gris ajusté. Il souriait. Paul, en costume bleu marine et chemise blanche, avait un sourire plus indécis. D'où sortait cette photo dont il ignorait l'existence ? Qui l'avait prise ?  Surpris et mal à l’aise, il ne la déchira pas mais alla la placer dans un autre livre de sa bibliothèque.

-J'aviserai.

Trois jours plus tard, il y en avait une autre. A Dannick, devant l'opéra, posait un beau jeune homme blond. La photo avait été prise quelques jours auparavant. Winger était très reconnaissable. Il portait un costume à la mode sur un manteau ouvert. Sa beauté était rayonnante. Au dos de la photo, on avait écrit : Moi, vingt-sept ans.

-Qu'est-ce que tu veux ? Je suis en train de devenir un vieux monsieur.  Quel pouvoir pourrais-tu bien avoir ? Je peux mourir demain.

Il n'y eut plus de photo mais une mèche de cheveux blond apparut sur le bureau de Paul le jour suivant. Elle était identique à celle qui était restée longtemps posée sur le bureau de l'instructeur à Étoile. Paul la rangea dans un tiroir. Des crimes atroces se produisirent à Dannick et mirent la ville en émoi. On parla de deux jeunes hommes issus d'un mouvement néo-fasciste mais on n'arrêta personne. Un soir, Paul prit la mèche de cheveux entre ses doigts et murmura :

-Camarades de l'ombre, ici Battles.

Il brûla les cheveux d'or et se débarrassa des photos. A Magda, il ne rien et rien non plus à Esmed et aux siens. Une crainte ancienne s'éteignit en lui. Et ce fut tout.

 

13 février 2024

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FRANCE ELLE BATTLES ROMAN LE CHAMP DE L'INTIME
13 février 2024

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Je n'aime pas l'humanité en général. Je m'en sens solidaire d'abord, ce qui n'est pas la même chose. Et puis j'aime quelques hommes, vivants ou morts, avec tant d'admiration que je suis toujours jaloux ou anxieux de préserver ou de protéger chez tous...
13 février 2024

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Paul Kavan a d'abord eu la vie facile. Né dans une famille de lettrés, il est devenu journaliste, s'est marié, a été léger et infidèle. L'engagement n'était pas pour lui ! mais quand la démocratie a cessé d'exister dans son pays, Paul s'est réveillé et...
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