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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.

19 mars 2024

Battles. Partie 4. Un étonnant accueil au château d'Estralla.

 

-Il y a quelqu'un ?

-Oui !

-Je ne vois personne.

-Tu t'es décidé ! Tu es venu ! Je me lave. Viens.

C'était une jeune voix masculine, pleine d'enthousiasme. Paul profita de ce que la porte de la salle de bain était ouverte pour s'avancer. Il resta suffoqué devant ce qu'il vit. Un jeune homme nu, qui sortait de son bain, lui tournait le dos et s'essuyait les cheveux avec un beau drap de bain blanc et or.

-Tu m'as fait attendre mais tu as vaincu ta peur, c'est bien !

A qui croyait-il parler ? Pas à Paul en tout cas, qui se retint de répondre.

-Alors ? Tu ne dis rien.

Paul resta silencieux. Comme attendu, le jeune homme se retourna et resta stupéfait, ce qui le fit se couvrir maladroitement.

-Vous n'êtes pas Archad !

Paul ne put s'empêcher de sourire.

-Non, en effet.

Il ne put en dire plus car il était saisi. Le jeune homme était aussi blond que l'Instructeur et il avait les yeux du même bleu mais il était sa contrepartie humaine et triste.

-Vous êtes qui ? Pourquoi êtes-vous entré ?

-Paul. Paul Kavan.

-Quoi ! Paul Kavan ! Ah non, ce n'est pas vrai ! Elle va me tuer.

De nouveau, Paul sourit. Le jeune homme s'était de nouveau retranché dans la salle de bain d'où il ressortit en trombe, habillé à la va-vite.

-Donc vous êtes...Mais...

-Je ne devrais pas être là, c'est ce que vous sous-entendez ? En effet, oui. Je ne sais pas où est madame Egorff car je ne l'ai pas trouvée au point de rendez-vous. On m'a installé à l'étage et je voulais redescendre pour l'attendre mais j'ai vu la porte de cet appartement ouverte. Je voulais obtenir un peu d'aide !

Le jeune homme parut encore plus confus et gêné.

-Oh là la ! Oh là la non !

Il s'assit et enfila des chaussettes et des chaussures. Puis, il lissa ses cheveux en arrière.

-Vous deviez arriver plus tard. Un quiproquo : vous êtes là et elle est à la gare ! Ça n'arrange pas mes affaires.

-J'ai compromis une rencontre...Une jolie employée ?

Le jeune homme, qui paraissait ennuyé, redevint espiègle.

-Il y a beaucoup de travaux dans le parc. Archad est maçon !

Cette fois, Paul se mit à rire.

-Ah !

-Je pensais vraiment qu'il viendrait ! Il a dû hésiter. Il est peut-être intimidé ou alors, ça n'est pas sérieux pour lui.

-Je ne sais pas.

-Non, c'est clair, ça ne l'intéresse pas. Alors, c'est vous Paul Kazan !

-Oui.

-Ah ! Elle vous a présenté comme Jupiter ! Vous êtes moins imposant, et moins beau qu'un dieu de l'Olympe mais quand même. Vous n'êtes pas mal, pas mal du tout même !

L'inconnu était étonnamment touchant. Paul sourit puis se sentit oppressé. Ce corps fin mais musclé et ferme, cette blondeur, cette allure presque aristocratique et cette tristesse secrète...

-Dites, ça va ?

-Oui...

-Non, vous êtes très pâle ! Je parle trop. Ce que j'ai dit sur votre physique...

-Non, il n'y a pas de mal.

Mais Paul vacillait et le jeune homme dut se précipiter pour l'aider à s’asseoir.

-Eh, dites, vous avez un malaise, là...

Paul se reprit aussi vite qu'il put et tenta de se reprendre.

-Je travaille énormément et ce voyage...

Le jeune homme s'écarta et revint avec un verre d'eau. Comme il se penchait exagérément vers lui, Paul eut un haut le corps.

-Écartez -vous un peu.

-Pardon. Je retire l'allusion que j'ai faite à votre physique. Je suis navré, vraiment.

Il s'était accroupi et regardait Paul. Il n'y avait rien de dur chez ce jeune homme qui le regardait avec sollicitude. Les similitudes physiques avec l'instructeur ne pesaient pas quand on s'apercevait qu'il s'agissait d'un enfant au ton mutin et au regard mélancolique.

-Merci pour le verre d'eau. Alors, vous attendiez ...

-Un beau maçon. Ça correspond à mes goûts.

-Ça ne pourrait correspondre aux miens. Je suis plutôt un homme à femmes.

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19 mars 2024

Battles. Partie 4. Un jeune homme fantasque dans un château.

 

 

L'inconnu s'était relevé. Assis sur un fauteuil, il observait Paul et lui sourit.

-Et maintenant, comment vous sentez-vous ?

-Je me suis repris.

-Je vois cela. Votre visage paraît plus serein.

Sa façon de faire était charmante. Paul sourit à son tour.

-Au fait, qui êtes-vous ?

-Je m'appelle Esmed Keretz. Je suis un des pensionnaires de madame Egorff. J'ai fait le conservatoire. Je suis pianiste.

-Bien, c'est bien...

-En réalité, vous auriez dû faire ma connaissance dans l'après-midi. Je ne devrais pas me trouver là mais il y avait cette tentation...

Paul sourit.

-Vous aurez une autre opportunité.

-Ce n'est pas le sujet.

-Quel est-il, alors ?

-Magda, je veux dire madame Ergoff ne plaisante pas. Les présentations ne sont pas pour maintenant. Alors, je vais remettre de l'ordre et filer par l'escalier de service.

-Vraiment ?

-Vous ne m'avez pas rencontré. Hein, vous vous souviendrez ?

Ils s'étaient approchés l'un de l'autre.

Il n'a pas les mêmes traits, pas exactement, pensa Paul. Mais le front est haut, les yeux sont bleus et la chevelure a la même implantation. Par contre la bouche est différente, la carnation aussi. Ce n'est pas lui. Ce ne sera plus jamais lui.

-Oui, c'est entendu. Je suis monté me reposer et c'était tranquille.

-Vous pouvez descendre l'attendre. C'est plus simple pour moi ?

-Bien sûr, j'y vais.

Cette fois, le jeune homme riait.

-Important : je n'étais pas là.

-Bien sûr que non.

Paul adressa au jeune homme un sourire amusé mais celui-ci devint grave.

-Donc, à plus tard, monsieur Kavan.

-En effet, monsieur Keretz.

Paul regagna le ré de chaussée où il attendit en lisant. Dix minutes après, Magda Egorff arriva, agacée.

-Ce n'est pas possible, pas possible !

Soudain, en entrant dans le salon, elle vit Paul.

-Je suis incroyablement navrée !

-Ne le soyez pas.

-Quand je suis à Estralla, je ne sais où donner de la tête. J'ai donné des consignes contradictoires ! Je vous ai fait attendre, suis arrivée en retard sur les lieux de notre rendez-vous, mon téléphone ne fonctionnait pas ! Vraiment !

-Rien de grave ! Je suis arrivée à bon port.

Il était charmé par elle, si altière, si grande dame. Elle venait de quitter un très beau manteau de demi saison, brun avec des parements violets et elle portait une robe prune et des bijoux en or.

-On vous a servi du thé au moins ?

-Bien sûr.

-Et vous n'avez rencontré personne mis à part la personne qui vous a accueilli ?

-Non.

-Parfait.

Ils devisaient quand elle s'avisa d'aller chercher la servante qui ne répondait pas à son appel. Malheureusement pour lui, le jeune homme n'avait pu emprunter l'escalier de service dont la porte d’accès était fermée à clé. Pensant qu'il pourrait se faufiler tandis que Paul et elle discutaient, il tentait sa chance dans l'escalier principal. Mais elle le surprit en quittant le salon plus vite que prévu. Paul était sur ses talons et il la vit s'emporter.

-Non mais quel est ce prodige ! Esmed, que faites-vous là ?

-Madame, j'avais oublié une partition...

-Une partition ! Tout ce que vous devez interpréter tout à l'heure est déjà en votre possession. C’est une fable, une de plus !

-Debussy. Je voulais faire un échange. Regardez...

Il avait une partition en main.

-Vous mentez mieux d'habitude. Vous étiez dans l'appartement du haut, celui où vous logez quand je le décide ?

-Je...Oui.

-Vous n'aviez rien à y faire ?

-Non, madame.

-Vraiment rien, j'espère. Vous me suivez ?

-Parfaitement, madame.

Magda soupira et Esmed se mordit les lèvres. Il y aurait un règlement de compte.

-Avez-vous rencontré monsieur Kavan ?

-Non.

-Esmed, je vous le présente.

Le jeune homme salua poliment et garda les yeux baissés. Paul s'amusait beaucoup.

-Il y a bien des contes en Ambrany et cet Esmed pourrait figurer dans l'un d'eux. Je suis là, je ne suis pas là. J'apparais, je disparais. Et surtout, je ne suis pas là où je devrais être... Mais bref, vous montrerez tout à l'heure un autre aspect de vous-même à monsieur Kavan.

-C'est certain, madame.

-Filez !

Il partit sans se retourner et Paul, pourtant, aurait voulu qu'il le fasse, ne serait-ce que pour revoir ce sourire tantôt espiègle, tantôt triste.

 

19 mars 2024

Battles. Partie 4. Paul et l'œuvre de Magda.

 

 

 

2. Au château d'Estralla.

Loin de la capitale, Magda Egorff a su, alors que la dictature battait son plein, créer un lieu de refuge et de formation pour de jeunes artistes. Chargé de la rencontrer, Paul, qui a désormais de hautes fonctions dans le nouveau régime qui s'est mis en place, s'étonne.

Elle lui fit visiter le château sans qu'ils y rencontrent quiconque. On y logeait modérément mais on y travaillait beaucoup.

-Nous serons quinze à table ce soir. Il est de rigueur de bien se vêtir.

-J'ai ce qu'il faut.

Elle le laissa un moment et passa donner des ordres en cuisine. Paul pensa qu'il se retrouverait nez à nez avec ce surprenant jeune homme qui l'avait renvoyé à la blondeur de l'instructeur mais au dîner, il n'était pas là. Magda lui présenta non les pensionnaires, qui logeaient dans des bâtiments annexes mais ceux qui les encadraient dans le domaine artistique et sur d'autres plans aussi. A priori, il y avait là des blessés de la vie qu'il fallait encadrer. Leur sens artistique et leur talent étaient vifs.

Au soir, il s'allongea en sachant que le sommeil le prendrait vite. En fait, il n'en fut rien. Il pensa à cet Esmed jeune et blessé et il pensa à ceux et celles que Magda avait recueillis.

 

 

13 mars 2024

Battles. Partie 4. Madga et les jeunes artistes qu'elle protège.

  Elisabeth Dujarric autoportrait

Le lendemain, il vit ce que Magda voulait lui montrer. Il y avait là une quinzaine d'artistes tous très jeunes et perturbés par ce qu'on avait fait à leurs parents. Certains avaient perdus les leurs car on les avait arrêtés ou exécutés. D'autres étaient restés à la charge d'un membre de leur famille car leurs géniteurs avaient dû s'enfuir à l'étranger où leur vie n'avait pas été simple. Enfin, il y avait un petit nombre qui avait du vivre avec des parents à qui on avait interdit d'exercer leur art et qui s'y étaient peu à peu résignés. Leurs enfants qui eux-mêmes avaient une fibre artistique se sentaient en déphasage avec eux. En ce sens, la fondation les aidait... Esmed, que Paul trouva métamorphosé, appartenait à cette troisième catégorie. Élégamment vêtu de noir, il ressemblait à un enfant sage. Son père était chef d'orchestre et sa mère cantatrice mais ils n'avaient pas donné au dictateur des preuves assez solides de leur dévotion à son égard. La malfaisance de concurrents sans scrupule avait achevé de les discréditer. A cette époque-là, le jeune Esmed étudiait déjà le piano où ses dons inouïs lassaient déjà rêveur. Intelligent, sensible, il avait assisté à la déchéance lente mais sûre d'artistes qu'il respectait. Son père, tombé malade, menait désormais une vie végétative et sa mère se contentait d'une petite pension que l'état lui versait. Ils vivaient en exil, dans une région inhospitalière que Paul connaissait pour y avoir été emprisonné.

Magda, quand elle avait trouvé ce jeune homme, l'avait placé dans un cadre qui ferait de lui un virtuose. Encadré par de bons formateurs, il travaillait d'arrache-pied. Quand Paul se retrouva face à lui, Esmed avait toute l'apparence d'une personne éduquée et stylée. Il adressa à ce visiteur un élégant signe de tête.

 Magda ne fut précise.

-C'est un moment important. Vous devez nous faire honneur ; c'est clair, Esmed ?

-Oui, madame.

L'instant d'après, le jeune homme s'installa au piano et joua pour lui sans partition une partie des Préludes de Chopin. Paul ne put que se montrer appréciateur tout en se maudissant d'être un aussi piètre mélomane. Magda conduisit ensuite Paul de salle en salle et il découvrit des merveilles. Celui-là jouait la comédie, celle-là aussi mais celui-ci sculptait et cet autre peignait...Elle avait réuni là tes talents prometteurs, de ce point de vue, elle ne mentait pas. Chacun recevait une formation hors pair. Paul finit par synthétiser :

-Au bout du compte, madame Egorff, qu'attendez-vous de moi ?

-Quatre d'entre eux peuvent être programmés. Un pianiste, une cantatrice, un sculpteur et une artiste-peintre. Je peux essayer de leur trouver des engagements par moi-même et comme j'ai quelques appuis, j'y parviendrai sans doute mais le retentissement sera moindre. Tandis que si c'est vous...

-Oui, je comprends.

-Est-ce faisable ?

-Je pense que oui. Il me faut des dossiers sur eux...

-Il y a tout ce qu'il faut. Des enregistrements, des vidéos, la preuve qu'ils reçoivent ici une formation de qualité...

-Pourquoi quatre ?

-Car ils sont prêts à faire carrière. Les autres sont plus jeunes et gagneraient à intégrer des conservatoires. Quoi qu'il en soit, il faut encore consolider l'équilibre psychique de chacun d'entre eux...

-Comment cela ?

-Ici, ils sont très entourés mais ils ont connu des temps difficiles.

-Oui, je comprends.

Il en avait tant vu qu'il devait prendre un peu de recul. Il demanda donc à être seul avant le dîner. Cependant quand on frappa à la porte de ses appartements, il ne put s'empêcher d'aller ouvrir. C'était Esmed. Il s'était changé, passant une tenue moins formelle. Un pull vert informe et un pantalon bleu.

-Vous êtes ici ?

-Mais oui. Elle aime me surveiller alors elle change d'avis. Vous êtes fatigué ? Elle a voulu que vous voyiez autant de monde que possible. C'est que vous restez peu.

-Vous êtes tous très doués.

Dans la lumière indirecte, il était une enluminure. Paul fut frappé par sa beauté limpide.

 

13 mars 2024

Battles. Partie 4. Château d'Estralla. Rencontrer les artistes que protège madame Egorff.

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-Merci. Vous ne voulez pas que j'entre...

-Ah si, bien sûr.

Paul s'effaça.

-Je sais pourquoi vous êtes venu. Quand Magda se met en quête de quelque chose ou de quelqu'un, on sait que ça va être du solide. Vous nous aiderez.

-Oui. Vous êtes tous dignes de faire carrière.

Le jeune pianiste tournait dans la pièce, regardant les tableaux accrochés aux murs.

-Merci. Vous ne lui avez rien dit ! Vous auriez pu. Ça peut vous choquer. Je regrette qu'il ne soit pas montré. Je voulais faire l'amour avec lui.

-J'avais compris.

-C'est frustrant ici, on est jeunes et ce n'est pas facile.

-Vous faites ce genre de confidences à un vieux satire inconséquent ?

Esmed eut un rire frais.

-Vous vous voyez comme ça ?

-Je suis un homme marié qui a toujours eu beaucoup de faiblesses pour les femmes et plus j'ai avancé en âge, plus j'ai aimé qu'elles soient adroites...

-Je ne vous connais pas mais quand je vous regarde, je ne vois pas la personne que vous décrivez. Il faut ne pas avoir de scrupules pour séduire ainsi, vous, vous en avez.

Paul qui s'était assis, ne dit rien, laissant le jeune homme poursuivre.

-Vous avez réussi à revenir en Ambrany...Vous devez en être heureux. Vous avez un destin qui a pris forme. Moi, le mien est en germe et la seule chose qui m'intéresse pour le moment c'est de savoir comment je vais m'y prendre pour qu'Archad cède.

C'était une plaisanterie. Amusé, Paul poursuivit :

-Cet Archad là ou un autre ?

-Oui, ça risque. Du moment qu'il est jeune...

-Oh moi, ma jeunesse est partie...

-Mais pas l'envie de faire l'amour ?

-Mais enfin, c'est une question très personnelle !

-Quoi ? Cette envie vous habite toujours, n'est-ce pas ? Vous devez beaucoup plaire ici. Toutes ces femmes...L'embarras du choix.

Paul ne répondit pas et montra un visage grave. Esmed l'observa puis reprit :

-Trop de choix ?

-Je n'ai pas vraiment le temps et pas non plus envie. Je reprends mes marques ici.

-Bien sûr, ça a dû être dur...

-Vous êtes si jeune...Rien à quoi je puisse vous mêler.

-Je pense le contraire.

-Esmed, pensez comme vous voulez. Vous serez au dîner ?

-Le dîner ? Les pensionnaires n'y vont pas, elle a dû vous le dire.

-Ah oui, c'est vrai.

Sentant Paul désireux d'être seul, il le quitta, lui offrant soudain un beau visage exalté.

-Au revoir monsieur Kavan. N'ayez pas peur pour moi.

C'était adroit.

-Je n'ai pas peur pour vous, Esmed.

-Alors, vous avez peur de moi.

-Non plus. Ne soyez pas inquiet.  A demain.

-Qui sait ce que j'aurais inventé ?

Le ton était rieur mais le regard sagace. Quelque chose en lui déstabilisait cet homme solide mais il ne savait pas quoi.

 

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13 mars 2024

Battles. Partie 4. Paul au château d'Estralla. Esmed parle.

 ESTRALLA

Le lendemain pourtant, Paul continua sa tournée sans avoir revu le jeune artiste comme il le souhaitait. Tout fut très formel et il ne trouva pas le moyen de le voir seul. Il y avait cette ressemblance qui par moments le gênait...Mais le temps filait et il devait partir. Ce que faisait cette femme était étonnant. Elle lui demanda de revenir afin de bien cerner les possibles de ces jeunes artistes et lui fit une demande :

-Vous devriez revenir plusieurs week-ends de suite. Je ne vous solliciterais pas autant que cette fois mais vous auriez une meilleure vision.

Il le fit et se passionna pour ces jeunes talents. Parler avec eux et les voir au travail était captivant et se promener dans le parc avec Magda était toujours un objet de surprise car elle avait l'esprit vif et une grande générosité.

Travaillant déjà pour placer ces quatre jeunes artistes dans les concerts, les expositions ou les récitals de chant qui émailleraient les mois à venir, il s’enquérait de ce phalanstère qu'elle avait créé sous la dictature. Quelle femme ! Tous deux s'entendaient bien et il était heureux de revenir.

 Il l'était aussi, il se devait bien se l'avouer, car il côtoyait Esmed.

-C'est ...fait.

-Ah ? Celui qui était attendu.

-Non, son sosie. Et vous ?

-Je suis un moine.

-Ah non ! Je vous l'ai déjà dit : vous êtes attirant pour les femmes. Vous voyez, je sais choisir mes termes...

Tendre Esmed. Le concernant, il comprenait mieux à quel point les enjeux étaient forts. Il pouvait faire une carrière internationale à condition que son talent s'épanouisse, sans référence à un passé douloureux. Paul essayait bien d'en savoir plus sur lui mais le jeune homme était réticent aux confidences.

-Vous pourriez me parler de votre famille ...

-On les a mis en résidence surveillée à Varra.

-Mais qui habite là ! C'est une zone totalement...

-Hostile. Ils n'ont pas eu le choix.

-Et...

-Et rien, Paul. Je suis toujours en chasse...De cela, on peut parler.

Paul sourit. Ce joli faune devait être très désiré.

-Bon, sujet inintéressant ?  Venons-en à vous. Vous ne dites rien de vous-même.

-Sur mes années de cavale et la prison, j'ai écrit.

-Justement, c'est de l'écrit.

-Je parle avec mes mots. Rien de trop.

-Et moi avec la musique. Il suffit d'écouter...

-J'ai fait de la radio clandestine. J'étais Battles.

-Combattants de l'ombre...

-Vous savez ça ?

-Mes parents oui. Et moi aussi, je dois dire...dites-moi...

-Oui, Esmed.

-Vous avez toujours peur par moments.

-Je vous l'ai déjà dit. Il reste beaucoup d’ennemis ici et je suis en vue.

-C'est clair mais ça n'explique pas tout, non ?

-Non mais j'ai un droit de réserve, moi-aussi.

-Ah ! Alors, tout est bien.

Il n'y avait rien à faire et Magda, de son côté, gardait le silence certain sur ces quelques pensionnaires plus fragiles que les autres. Elle les aurait trahis en parlant à leur place.

 

13 mars 2024

Battles. Partie 4. Magda et Paul. Buts communs.

 

 

 

Au bout de trois visites, Paul marqua le pas. Son travail le tenaillait et il était pressé de rester dans la capitale.

-L'échéancier sera bientôt prêt pour chacun des jeunes gens. Il s'étale sur plusieurs mois. Leur visibilité sera meilleure. Les salles sont bonnes, très centrales et l'attention sera attirée sur ce qu'ils présentent. Le public devrait répondre. J'y ai veillé.

-Je vous remercie infiniment, Paul. Vous êtes d'une efficacité !

Elle avait toujours son élégance de grande dame et il aimait sa façon de le remercier. Comme elle le raccompagnait à la gare, elle lui dit :

-J'ai un projet qui mûrit. Je vais vous écrire et je l'espère vous convaincre.

-Oh, que de mystères !

-Non, c'est simple.

Retrouvant chauffeur et garde du corps, Paul s'en alla. Elle voudrait sans doute qu'il revienne. Il était très occupé, surchargé de travail à cause de ces jeunes artistes, il céderait. Ou plus exactement, il céderait à cause de la douceur et de la tristesse voilée d'Esmed.

Les suppositions de Paul étaient fausses. Ce que souhaitait Magda, ce n'était pas qu'il se partageât entre Dannick et Estralla mais au contraire qu'il ne fît d'aller en retour. Aussi lui fit-elle des suggestions.

-Je comprends Paul que je vous demande beaucoup. On vous sollicite sans arrêt et puis vous êtes un homme illustre. Une décoration de l'ordre national du mérite et une autre pour vos témoignages, votre beau roman et vos traductions ! Comme vous le savez, je vais installer mes quatre protégés dans mon hôtel particulier à Dannick le temps que leurs carrières décollent et il m'est venu une idée. Vous pourriez établir vos quartiers dans mon hôtel particulier. Vous y seriez logé au calme avec tout ce qu'il faut pour travailler. Continuer ce que vous avez entrepris avec mes protégés serait tellement plus simple !

Cette proposition surprit Paul, qui ne vit pas d'abord le moyen d'accepter. Il voulait rester libre et s'il acceptait, il ne le serait pas. Néanmoins Magda fut adroite et il fut sensible à ses arguments.

-Dites-moi, vous aviez des biens à Dannick ?

-Un appartement et une maison. J'ai fini par les récupérer. J'ai vendu l'appartement et ai envoyé le montant de la vente à ma femme qui vit dans un monastère.

-Elle est très religieuse ?

-Elle l'est oui mais à sa façon. Les religieuses ont une maison d'accueil pour des femmes que cette dictature a privé de mari, de père, de frère ou doté d'enfants hors mariage. Elle y travaille et est à même d'y faire beaucoup de bien.

-Si elle s'y épanouit...

-Et ne songe pas à revenir à Dannick. C'est cela que vous voulez que je vous dise ?

-Oui.

-Ce n'est pas son projet.

 

13 mars 2024

Battles. Partie 4. Magda invite Paul à vivre chez elle.

bel INTERIEUR

-Bien. Et revenant à vos biens ?

-Ma maison me plaisait beaucoup. De belles fresques couraient sur les murs. Des scènes champêtres et d'autres oniriques. L'ennui est qu'on me l'a confisquée. Elle a été attribuée au ministère de l'intérieur qui l'a transformé en terrain d'action pour la police secrète...Si on y réfléchit bien, il y a beaucoup d'humour là dedans, plutôt noir, je le reconnais. Je voulais conserver cette maison mais les agencements qu'on y a faits me glacent. Elle est en vente.

-Où logez-vous ?

-Dans un petit appartement près du centre culturel.

-Vous vous y plaisez ?

-Non, c'est un lieu trop fonctionnel.

-Vous devriez réfléchir à ma proposition, Paul. Je vis au ré de chaussée où j'occupe une vaste demeure. Axel, mon fils, y vient quand il s’échappe de Berlin. Il y a deux étages. Vous pourriez élire domicile dans une partie de cet hôtel particulier sans en être incommodé le moins du monde par la présence des autres. Il est vaste et vous y seriez à votre aise. Bien sûr, je vais y loger ma volière de jeunes talents mais comme je vous l'ai dit, c'est vaste !

-Eh bien, je n'étais guère enthousiaste mais...

-Vous allez accepter...

-Oui, j'accepte.

Il revit encore Magda et découvrit les lieux. Très différent du château d'Estralla, l'hôtel particulier où vivait madame Egorff était une vaste construction à la façade néo-classique mais à l'intérieur art nouveau. Ce mélange surprenant avait de quoi séduire et devant la beauté des lieux, Paul s'inclina : c'était magnifique. Il transféra donc tous ses effets et s'installa. Il avait toujours autant travail mais la beauté des lieux semblait lui faciliter la tâche. Et, il put le constater, on le laissait tranquille...

Puis, arrivèrent les temps où Esmed et les autres jeunes prodiges allaient se montrer et tout évolua. Entièrement refaite et dotée d'une acoustique parfaite, la Salle Gervezy était depuis longtemps prestigieuse. Esmed y joua Brahms, Chopin et Mozart devant un public choisi. De sa prestation dépendait la suite des événements et il s'en souvint suffisamment pour très bien jouer. Les autres montrèrent eux-aussi leurs talents. Se sentant forte, Magda insista :

-Alors, vous êtes bien installé !

-Assurément. Vous m'avez doté d'un ensemble de quatre pièces donnant sur une vaste cour intérieure.  Y travailler est simple et s'y prélasser divin. Il laissa cependant entendre que bien que n'ayant plus le même goût pour les brèves liaisons, il ne se condamnait pas pour autant à l'abstinence. Elle acquiesça. Elle saurait être discrète. En attendant, Paul continua à faire la promotion des quatre jeunes artistes. On les programma beaucoup. Leur port d'attache restait la maison de Magda mais ils étaient amenés à se déplacer. Seul Esmed serait à demeure et Paul, qui n'avait pas voulu lui accorder plus d'importance qu'aux autres des semaines durant, se remit à le côtoyer. Le jeune homme se plaignit.

-J'étais puni ! Je n'ai pas bénéficié de beaucoup d'intérêt.

-Vous étiez quatre. Je n'aime pas les privilèges. Mais ils sont partis et je suis plus disponible. On peut se parler davantage.

Esmed lui lança un long regard sibyllin puis reprit :

-C'est mieux mais je reste puni.

-Pourquoi ?

-Vous faites ce que vous voulez dans ces lieux magnifiques et moi je me contente d'un décor tout agencé !

Paul avait aménagé un grand salon ainsi qu'un bureau bibliothèque où il travaillait, et il disposait de deux chambres dont l'une lui était réservée. L'autre était une chambre d'ami.  La plupart des meubles qui se trouvaient là lui appartenait et toute la décoration portait son empreinte.

-Mais là où vous êtes, Esmed, c'est très joli.

-Non.

-Non ?

Il avait vécu dans une fort belle maison avec sa famille et connaissait le plaisir des meubles rares, des bois précieux et de la soie.

-Rien n'est à vous, j'imagine. Tout a été confisqué.

 

13 mars 2024

Battles. Partie 4. Esmed et Paul. Dits et non dits.

Paul s'attendait à ce que le jeune homme devienne grave mais il sourit. Il s'amusait donc.

-Bien sûr que c'est très bien. C'est juste que vous ne venez pas.

-Vous voulez que je vienne maintenant ?

Esmed eut un sourire rusé.

-Bien sûr.

Paul fit des allées et venues dans ses appartements.

-Alors, tu aimes ?

-C'est un bel espace. Je vous l'avais déjà dit.

-Que penses-tu de ma chambre ?

Il provoquait Paul en se mettant à le tutoyer.

-Ce sont les rencontres que tu fais qui doivent être intimidées quand elles y arrivent.  C'est un très beau décor.

-Oui, ça les gêne un peu. Le lit est très confortable mais c'est aristocratique donc décadent. Alors forcément...

Paul, amusé par l'habileté du jeune artiste, le tutoyait désormais, sans arrière-pensée.

-Tu es sincère ?

-Non. Bien sûr que non. Il ne se passe rien ici. Je ne sais pas comment ils réagiraient et je ne veux pas que ça atteigne madame Egorff.

-Alors, où vas-tu ?

-Je sors. Mieux vaut que ça reste vague.

Paul s'était assis dans le salon près du piano où s'entraînait Esmed. Celui-ci au contraire continuait d'aller et venir. S'arrêtant soudain, il prit un air surpris 

-Tu rencontres à l'extérieur, donc. Tu n'as jamais peur ? Il y a peu, les temps étaient sombres. Il y a eu beaucoup de prédateurs, il doit y en avoir encore beaucoup.

-On s'attaquerait à quelqu'un comme moi ?

-Tu en doutes ?

-Je n'ai rien remarqué.

Paul ne le crut pas. Ce ne devait pas être simple. Rusé, Esmed, qui restait calme, retourna la question.

-Et pour toi, tout va bien ? Tu ne dois pas faire attention ?

-A l'évidence, si. Il y a des endroits où il est préférable que je ne montre pas.

-Les prisons où tu es allé ?

-Je n'avais pas cela en tête.

Le jeune homme avait beau être fantasque, il n'en était pas moins sensible. Et il était malin.

-Tu n'y penses jamais ?

-Si.

-Parce qu'on n'a pas arrêté tous ceux qui y travaillaient...

-Comment sais-tu cela ?

-Je sors le soir...Quand même, ce doit être rageant...

-Je ne suis ni ministre de la justice, ni chef de police. Et pour te répondre, oui, c'est délicat, parfois.

-Ceux d’Étoile...

-Je ne veux pas évoquer ce sujet. Ne me demande rien sur cette prison et rien sur ce qui a suivi. La Suède, l'Angleterre...Mes cours, mes livres, oui bien sûr, mais le reste, non. Toi, je le sais, tu n'aimes pas parler de ta famille et je le respecte. Il faut prendre les choses comme elles sont. J'espère ne pas te heurter.

De nouveau, Esmed le regarda avec acuité.

-Tu ne veux pas m'offenser ?

Paul fut interloqué.

-Je peux savoir de quoi tu parles ?

-Tu n'oserais pas nous offenser, madame Egorff et moi ?

-Pourquoi le ferais-je ?

-Nous, nous ne le ferions jamais. Mais toi, tu y serais peut-être contraint.

-Non.

Esmed n'eut pas l'air convaincu.

-Je ne fais pas mon possible ? Je ne vous aide pas ?

-Tu nous aides, Paul. Bien, repassons à un sujet léger. Pourquoi t'obstines-tu à te passer de femmes ? Tu as plus de cinquante ans d'accord mais justement, c'est le bel âge quand on a ta position ! Tu ne les vois pas, là, qui se bousculent au portillon ?

Paul éclata de rire.

-Si !

-Eh bien alors ?

-On se bouscule aussi pour toi.

-Pas le même genre. Laisse-toi aller ; ça te rendra plus sensible aux élans des uns et des autres. Tu pourrais, par exemple, plus tard, défendre les gens comme moi car je sais qu'auparavant tu as vu qu'on pouvait nous martyriser...

Paul eut une brusque vision de son instructeur niant qu'à Étoile, il y avait un bordel de garçons. Esmed aurait pu s'y trouver...

-J'y réfléchirai.

Esmed s'approcha : il avait des larmes au bord des cils.

-Tes prisons, tu devrais en parler. Celle-là surtout.

-Non.

-Pourquoi?

-Parce que c'est inutile.

Paul s'éclipsa.

Dans les jours qui suivirent, il constata que le jeune pianiste évitait toute question personnelle. Il travaillait. Dès qu'il s'agissait de musique, Esmed n'était pas laxiste. Il l'entendait s'entraîner des heures entières.

 

13 mars 2024

Battles. Partie 4. Mettre en garde Esmed.

Denman_Ross_Portrait_of_a_Youth

Des professeurs venaient encore, des pianistes au passé illustre. Et puis, il allait beaucoup voir Magda aussi. Elle semblait être sa colonne vertébrale. Paul en fut heureux. L'ambiance de cette maison le galvanisait mais le détendait aussi. Il se laissa aller. Dérogeant à sa solitude, il eut une aventure d'une nuit. Esmed vint juste après et, dans son salon, s'amusa :

-Bien roulée ?

-De quoi parles-tu ?

-Elle a oublié son écharpe de soie. C'est quoi ce parfum ?

-Un parfum féminin. Vanille et quelque chose d'autre...

-Alors, elle était bien roulée ?

-Jolie. Brune. Yeux verts.

-Et jeune...

-Oui.

-Elle va revenir ?

-Je suis resté vague.

-Tu le seras aussi avec la suivante. Ah ! Ah ! Elles adoreront.

Paul eut un geste de dénégation.

-Je ne suis pas si sûr de ce que je veux...

Esmed l'observa avec acuité puis releva.

-Pas sûr ?

-Concernant les femmes.

-Mais qui te parle d'un engagement ! Elles viennent faire l'amour. Que crois-tu qu'ils veuillent faire ceux que j'approche ? La même chose. A ce propos, on fait les mêmes bruits et on emploie les mêmes mots.

Et il imita :

-Ah oui ! Oui ! Encore ! Hum que c'est bon, ouiiii...

Paul se mit à rire.

-Avec des tonalités masculines ?

-Exact.

Quelques jours plus tard, Paul croisa de nouveau le jeune homme et lui trouva mauvaise mine. Il avait les lèvres tuméfiées.

-Tu étais dehors...

-Oui. Ce n'était pas celui que je devais rencontrer. Ils étaient plusieurs. Ils ont voulu nous battre. J'ai réussi à me faufiler et à ne pas prendre de coups...

-Je n'en jurerais pas. Viens, on va parler.

En effet, quand ils gagnèrent l'appartement de Paul, Esmed claudiqua un peu. Il devait avoir des contusions sur le corps.

-Tu vas te faire soigner ?

-Oui, bien sûr.

-Je peux peut-être faire quelque chose pour ton visage...

Ils allèrent dans la salle de bain où il l'aida à désinfecter ses plaies visibles.

-Esmed, ce sont des temps complexes.

-Non, pas ça !

-Mais il faut en parler ! Tu prends des risques inconsidérés. Je ne veux pas qu'on te fasse du mal.

-Avant que je rencontre madame Egorff, je plaisais beaucoup à des hommes dans tes âges, tu saisis. Des hommes respectables, intouchables. Personne n'aurait pensé qu'ils puissent avoir envie d'un garçon. Le mal...

Le visage de Paul se crispa. Il préféra se détourner.

Esmed s'assit difficilement.

-Ceux que tu vois maintenant sont du même style ?

-Je veux des gens de mon âge ! Mais il y a des vieux qui tournent et cherchent...Pourquoi tu t'inquiètes comme ça ? J'ai soif, j'aimerais boire de l'alcool, tu en as ?

Paul lui apporta un verre de cognac. Lui-même en prit un. Après une gorgée ou deux, il pensa qu’il irait mieux, mais resta tendu.

-On vous laisse plus libres qu'avant, toi et les libertins de tout acabit mais vous devez être prudents. Beaucoup de ceux que tu croises font mine d'apprécier le nouveau régime mais sont nostalgiques. Ils veulent de l'ordre.

-Et ? Sexualité suspecte ?

-C'est tout ?

-Non. Car même s'ils te trouvaient talentueux, ils chercheraient d'où tu viens. Et ils trouveraient. Tes parents étaient des artistes et ils ont été assignés à résidence. Et ça leur déplairait, crois-moi.

-Tu sais ça ?  Non, tu crois que tu sais.

-Il se passe quoi s'ils abîment tes mains ?

-Où sont les autres, les garants du régime ?

-Je travaille avec eux, il me semble. Mais nous ne sommes pas partout et nous ne pouvons protéger tout le monde. Comment arrêter tout ce qui se trame encore...

 

 

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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
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