Dans les exils. (4)
«D’abord on convoya les trains de marchandises vers la Bavière, tout près de Munich, à leur bord des centaines de réfugiés entassés avec des brassards blancs. Personne ne savait que faire de ces pauvres diables tombés bien bas, les querelles entre les forces d’occupation américaines é russes s’envenimaient quant au tracé des frontières de leurs zones comme aux conditions & au nombre des CONTINGENTS DE RÉFUGIÉS à accueillir. Les-Américains tenaient aux accords de Yalta sur le sujet : 25 kilos de bagages par personne, pas de séparation des familles, pas d’évacuation avant 1946 – : les réfugiés arrivaient six mois trop tôt, parce que les autorités tchèques avaient donné libre cours à l’arbitraire & chassé de leur territoire les Allemands des Sudètes selon leur seul bon plaisir (le côté soviétique laissa faire…). Les-réfugiés-du-Territoire-des-Sudètes campèrent plusieurs jours & nuits au bord d’une grande route dans les fossés entre la ciguë et les roseaux, les bourgmestres refusèrent de les loger, & le dimanche les habitants-du-village passèrent en silence devant les tas de réfugiés apathiques assis dans la boue, pour se rendre au Culte… – Finalement les forces d’occupation soviétiques les prirent en charge ; ce qui s’avéra être une chance pour les-expulsés, sinon ordre leur aurait été donné de regagner les Sudètes & là-bas ils auraient été arrêtés pour RETOUR ILLÉGAL. Car réfugiés et camps vont toujours de paire… »
Reinhardt Jirgl