Confronté à son instructeur à la prison Etoile, Paul tente de saisir l'immensité des lieux et de cerner son rééducateur.
-Eh bien, Instructeur, il est vrai que je lui ai posé certaines questions.
-Ah oui ? Lesquelles ?
-C'est une immense prison et je m'interroge sur le nombre de détenus qu'il y a ici, leurs fonctions, la durée de leurs peines. Et puis, je me suis étonné que dans l'aile des politiques où tout est silencieux, il y ait soudain de bruit...On aurait dit qu'on malmenait des prisonniers.
Winger lui coupa la parole.
-Un certain nombre de politiques ne sont pas avec toi. Ils ne remplissent pas les critères pour être rééduqués. Actuellement, vous êtes sept dans cette situation.
Paul perdit patience.
-Sept ? Doit-on compter les deux qui ont été blessés ou sont morts ? Il s'est passé la nuit des choses qui...
-Ne te regardent pas. Et de toute façon, si tu prenais les traitements adéquats, tu ne te réveillerais pas la nuit. Tu aimes les feintes, toi...
-Que leur avez-vous fait ?
-Termine tes phrases, cinquante huit trois. Deux cent sept neuf. DS. Et ne t'emporte pas, c'est un conseil.
-Ces hommes ont été malmenés, Instructeur.
-On est dans une prison, ici, tu n'es pas au courant ? Rappelle moi la posologie des médicaments que tu dois prendre.
Paul se tut, hostile.
-Tu disposes d'un écran de télévision qui t'explique comment suivre ton traitement. Tu as un rappel papier dans ta cellule et Xest te donne des consignes. C'est trop difficile ?
Paul soupira, agacé. Winger, imperturbable, reprit :
-Tu ne les prends plus. Ta gardienne m'écrit qu'à la façon dont tu te déplaces dans les couloirs et en cellule, il est clair que tu t'en passes. Au cas où tu ne le saurais pas, elle est autorisée à regarder ta merde et ça se voit aussi. C'est un acte de liberté ?
-Oui, Instructeur.
-Tu aimes la liberté ?
-Plus que tout, Instructeur.
-Alors tu te trompes. En toute logique, tu es un détenu et qui plus est, un détenu borné. Tu travailles mal et jettes tes pilules dans les toilettes. C'est une curieuse définition de l'héroïsme, tu l'avoueras...
Cette fois, Paul regarda l'instructeur droit dans les yeux et soutint son regard. Il s'attendait à une explosion de rage mais rien ne vint. Toujours froid, Winger poursuivit son interrogatoire.
-Passons. Tu as regardé comme demandé les discours de notre président, le grand Jorge Dormann ? Récite-moi le premier par cœur.