h A CHEVAL

En vacances dans la propriété de Lord Brixton, Paul, qui aime sa fille, vient d'être pris à parti par un étrange cavalier

Pourtant, sûr d'avoir raison, il se mit à errer longuement, à pied ou à cheval, dans le parc du château et autour des dépendances, empruntant de nombreux chemins ou coupant à travers champs. Il ne le trouva nulle part mais n'abandonna pas. Enfin, il finit par l'apercevoir aux portes du domaine, ce jeune homme qu'il présentait comme un émissaire mais qui, indubitablement était Markus Winger. Manifestement, le visiteur s'en allait, et était descendu de voiture pour prendre une photo du château. Paul avait appris que le père de Daphné avait reçu quelques jeunes allemands férus d'équitation et les avait logés dans une annexe éloignée. Leur séjour prenait fin. Ce matin-là, il montait de nouveau Souverain noir et, pour vaincre sa peur et rassurer sa compagne, il tint à chevaucher seul. Il s'arrêta à quelques distances et rencontra le regard du jeune inconnu. Celui-ci parut le reconnaître mais ne manifesta ni surprise ni contentement. Cessant de prendre des photos, il le fixa sans sourire, le corps dressé et la tête orgueilleusement raidie. Il était difficile, vu la distance, d'interpréter son attitude. Pour Paul, c'était Markus qui le défiait. Pour un observateur extérieur, il s'agissait d'une jeune homme qui quittait une belle propriété et s'étonnait qu'on l'observât ainsi. Il n'en demeurait pas loin, que hiératique et froid, il donnait le sentiment de toiser cet homme à cheval. Il demeura immobile un moment puis monta dans son véhicule, une voiture de sport rouge, et disparut.

-Vous faites du calcul ? Je suis allemand. Je ne comprends pas.

Oui, cette voix, c'était bien celle de l'instructeur mort. Elle restait tenace et il fallut beaucoup d'énergie à Paul pour ne pas céder à la panique qu'elle faisait naître en lui...

-Un invité, comme vous.

Et c'était clair, il y avait un message dans sa chambre, posé sur son lit. Même enveloppe blanche doublée de rouge, même feuille pliée en quatre.

«Après ces deux torchons que tu as fait paraître, tu veux écrire un livre sur moi, ton instructeur ? Dis-moi : quelle version vas-tu donner de nos relations ? Tu crois vraiment qu'on ne devinera pas que, derrière l'officielle, il y en avait une autre ? Tu n'as pas que des admirateurs...Enfin, je vois que tu es dubitatif. Normal : tu as peur.

Tu préfères d'abord traduire ces auteurs qu'on n'a pas jeté aux oubliettes pour rien...En voilà un programme ! Essaie, Paul, essaie et tu verras...Et pendant qu'il est encore temps, mène une vie facile et continue de tringler cette fille d'aristos... »

Impossible de montrer cette missive à quiconque. Il la cacha dans sa valise puis rejoignit Daphne. Comme à son habitude, elle le questionna sur celui dont il cherchait la trace ;

-Alors ?

-Je l'ai vu ; c'était bien lui, il partait.

-Qui ça lui ?

-Un ambranien, un soldat.

-Et il aura ressemblé à l'un de ceux qui t'a maltraité là-bas ?

-Oui. Je sais que tu ne crois pas.

-Je ne peux pas, c'est invraisemblable.