Daphne, l'amante anglaise de Paul, est jalouse de sa relation très charnelle avec Eva, sa traductrice. Paul tente de l'apaiser.
-Et ce que tu as fait avec elle, c'était récréatif ?
Il baissa les yeux. Tout s'envenimait. Même cette entreprise de traduction était piégée. Il n'avait rien en main. Il était manipulé.
-J'ai commis une grave erreur. Une erreur impardonnable. Je ne la vois plus.
-Je ne te crois pas.
-Tu devrais.
Elle était consternée.
-Tu sais ce qui me tue ? C'est que tu prétends défendre les valeurs d'un pays que des porcs ont selon toi saccagé alors que tu adoptes toi même un comportement plutôt animal...En fait Père a raison.
-En quoi a t'il raison ?
-Tu es un histrion ! En fait, en Ambranie, beaucoup de familles ne souffrent de rien. Ils apprécient le régime en place et tout ce qu'il a fait pour les citoyens : constructions de cités, d'écoles, d’hôpitaux , bon réseau routier...
-Augmentation du budget de l'armée et de la police...
-Ah, nous y revoilà !
-Beaucoup de monde en prison, exécutions sommaires.
-Pour défendre ce point de vue, pour être un dissident crédible, il faudrait peut être que tu revoies ton éthique. Tu as dit m'aimer, tu me bafoues. Cette femme est grotesque. Et puis, à quoi bon cette discussion ? Fais attention, Paul, j'ai des parents puissants qui ne t'aiment pas.
-S'ils peuvent me charger, ils me chargeront.
-Tu as tout compris. Maintenant, pars. Je te ferai livrer tes affaires.
Il frémit.
-Daphne, non, ne fais pas ça . Il se passe des choses...
-Ah oui, ca c'est sûr. En es-tu si mécontent?
-Je ne parle pas de cette liaison.
-Ah non? Tu n'as peut être pas d'orgueil mais moi si.
-Mais je t'aime !
-Ah oui ?
-Oui, quoi que tu en dises.
Elle était fermée et glaciale, loin de l'amoureuse qu'elle avait su être.Il hésita mais préféra la mettre en garde.
-Fais attention à toi.
-Car ?
-Car ils ne s'arrêteront pas là.
-Ah oui, tes grands ennemis !
Elle haussa les épaules et claqua la porte derrière lui.
Serrant les dents, il se remit au travail pour boucler la traduction et faire une relecture puis changea ses numéros de téléphone et fit changer ses serrures. Il vit un médecin pour se faire prescrire des tranquillisants. Constatant que sur ses comptes Twitter et Instragram, ils recevaient des attaques beaucoup plus brutales et qu'on le traitait journellement de menteur et d'imposteur, il prit la mesure du danger. En Ambranie, il était un auteur interdit et il traduisait un qui l'était. Il était sorti illégalement de son pays , était considéré comme un traître à sa patrie et faisait toujours l'objet d'une demande d'extradition. Londres était une ville tentaculaire où il pouvait facilement disparaître. Il fallait réagir. Il s'inscrivit dans un club de tir et alla s'acheter une arme à feu. Et, se souvenant des propos du chirurgien suédois qui l'avait, pour la seconde fois, opéré du cerveau, il chercha de l'aide. Qui pourrait bien le libérer de l'emprise psychique qu'il subissait et le faisait se retrouver face à Winger ? Cette question devait trouver une réponse.