ABSSS

 

Paul préfère se mettre en retrait à Bath et Lisbeth, sa femme, l'y accompagne. Elle était en Ecosse.

Malgré ce choc, ils partirent découvrir la ville et le lendemain, ils poursuivirent leurs errances. Chemin faisant, elle lui dit pourquoi elle avait quitté l’Écosse.

-J'espère comme toi retrouver mon pays et pour cette raison, je ne veux pas me mentir. Me fixer près d’Édimbourg, je n'aurais pas pu. Il faut être né là-bas. Et, pour dire les choses plus simplement, j'aspire à un autre type de vie. A Londres, je vais donner des cours d'allemand et de russe pour commencer, et j'espère pouvoir enseigner la philosophie. Mais ce que je voudrais vraiment, c'est m'occuper de ceux que le régime a martyrisé là-bas, chez nous.

-Tu délaisses donc les chevaux ?

-On dirait bien, Paul.

-Et cette femme...

Je ne veux pas parler de ma liaison passée mais sache qu'elle est terminée. Elle en est triste, moi-aussi mais c'est ainsi.

Il se tut, respectueux. Elle changea de sujet.

-A propos, tu as transmis au docteur Shieffied, que tu vas rencontrer, le compte rendu de tes opérations chirurgicales ?

-Oui, il les a.

Paul pensa à la Suède. Il voulait revoir Monica Josephon, le médecin plein de douceur qui lui avait parlé d'abord et Lynn, la jolie aide soignante qui lui avait lu avec tant de cœur Le Merveilleux voyage de de Nils Holgersson à travers la Suède ? Il n'avait jamais eu de tels sauf conduits !

Comme il fallait attendre encore pour le rendez-vous, ils profitèrent des beautés environnantes et allèrent au spectacle. C'était le printemps : il y avait beaucoup à faire. Lisbeth et lui se détendirent. Prenant sur lui, il ouvrait peu son ordinateur et avait un usage modéré de son téléphone mais il voulait savoir où en était Daphne. Elle se sentait mieux. Elle avait toujours son garde du corps mais la situation n'avait plus rien d'inquiétant. Elle hésitait donc à le conserver. Elle était confiante et voulait le revoir.

-Si tu ressens la moindre inquiétude, contacte la police. Et maintiens ton garde du corps.

-Des amis sont installés chez moi.

-C'est bien mais sois prudente.

Les jours filèrent encore et enfin, le rendez-vous arriva.

Paul Shieffied avait la soixantaine. Il était grand, élégant et avait de belles et longues mains soignées. Il exerçait dans un petit établissement où il était malaisé d'être admis. Ses honoraires étaient élevés.

-Monsieur Barne...

-Bonjour.

-Je suis psychiatre et psychanalyste. Et anthropologue.

-On m'a déjà fourni un psychiatre en Suède...

-Là, vous deviez être très affaibli. Il s'est trouvé là pour vous rassurer. Vous halluciniez. J'ai lu que vous l'aviez très peu vu. Ce sera différent, cette fois car vous êtes à même de parler avec cohérence. Et de toute façon, vous avez pris rendez-vous avec moi donc vous commencez une démarche.

-C'est exact. Après ma fuite, on m'a opéré. Je pensais...

-Monsieur Barne, j'ai eu communication de votre dossier. De plus, j'ai lu vos livres et vos chroniques. J'en sais plus que certains sur votre trajectoire et je suis même en train de lire Kalantika. Je suggère que nous parlions ensemble de qui vous est arrivé car c'est une étape incontournable.

-Ce qui m'est arrivé en Ambranie est dans mes livres.

-Je parle de qui vous arrive maintenant. Car c'est bien pour cela que vous êtes là.

-Oui, pour une thérapie...

-Oui, mais sous une forme que je qualifierai d'inventive...Vous n'êtes pas un cas conventionnel et je devrai m'adapter...

Paul ne put s'empêcher d'ironiser :

-J'ai déjà eu un suivi très méticuleux...A Étoile, sous une forme plutôt violente...

Sheffield, contrairement à ce qu'il pensait, ne trouva pas sa remarque déplacée et rebondit :

-Je ne compte pas vous proposer la même...Ceci étant dit, monsieur Barne, je vais être clair. Londres où j'exerce une partie de la semaine ne me semble pas à propos pour le moment. Nous nous verrons ici . Je vous accorde que c'est un peu atone mais vous aurez peu de pression. Paul reconnaissait cette façon anglaise de dire les choses de façon détournée...Il hocha la tête. Il comprenait...

Quand eurent lieu les premiers entretiens, Lisbeth était toujours là et le soutenait mais bientôt, il céda aux injonctions du psychiatre qui voulait le loger seul dans un aile tranquille de la clinique.

-Je vous rappelle qu'elle me fournit une aide précieuse.

-Monsieur Barne, elle fera de même à distance. Il est important que vous soyez seul.

-Bien.