PicassoExil

 

Par l'intermédiaire d'Eva, la traductrice avec laquelle il a travaillé,Paul reçoit un étrange cadeau : un phallus d'or. Celui-ci ne vient pas de celle qui fut sa maîtresse. 

Soucieux de connaître le nom de ses partenaires, il lui répondit et les lui demanda. Elle fut rapide en réponse.

«Merskin Gruwa et Wisam Krugern. Oui, je sais, ils ont quelque chose à voir avec l'agression de ta belle mais la police n'a pas de preuves solides. En tout cas, l'un des deux te connaît et il m'a dit de t'envoyer un cadeau. Il est parti par la poste. »

Le cadeau était un phallus doré qu'on ne pouvait utiliser comme objet sexuel car il était de petite taille. Paul le montra à Sheffield.

-C'est elle qui vous rend hommage ou c'est lui ?

-C'est lui.

-C'est assez cru.

-C'est un homme jeune, brutal et direct.

-Un tentateur.

-Je dirais plutôt que c'est un monstre. Ne me dites pas que c'est un modèle.

-Il en a été un.

-Mais plus maintenant.

-Il veut être votre champion.

-Et moi, le sien ?

-Vous le voyez bien. Vous vous souvenez du roman de Henry James « Le Tour d'écrou ? »La gouvernante qui imagine que les deux enfants dont elle a la charge sont envoûtés par des domestiques disparus. Il y a un envoûtement...

-Oui, cela est certain. Mais il y a plus que cela. Il y a une dimension du fascisme qui est bien réelle. En eux. En lui. Sa "magie" ne pourra opérer.

-Et maintenant ?

-L'affrontement vient. J'ai déjà pris des cours de tir. C'est un tireur d'élite, lui, mais je ne ressens aucune peur.

 

Voilà qui changeait Sheffield de ses patients habituels, malheureux de leurs amours, de leur enfance, de leurs divorces et tous strictement anglais...Paul était un aventurier à ses yeux et il ne souvenait pas d'en avoir rencontré un d'aussi haut en couleur. Aussi les semaines suivantes prirent-elles vite une couleur particulière. Paul comprit vite que se tenir à l'écart de tout était une sage décision. Il comprit aussi que le personnage qu'il avait construit en Angleterre depuis qu'il y était arrivé avait fait long feu. Il s'était voulu un homme stylé, fort de son passé de résistance certes mais bien ancré dans la réalité du pays où il s'était exilé. Un Paul adoré de ses étudiants dans son école de journalisme, passant à la radio et sortant de chez son éditeur lui plaisait puisqu'il se comportait comme un battant, du reste très bien habillé. Mais cet homme presque austère dans sa mise et ses propos ne cadrait plus avec cette imagerie. Il s’intéressait à un poète inconnu et à un romancier dont seuls quelques critiques littéraires avaient fait l'éloge. Et surtout, il ne pensait plus qu'à un nouvel écrit sur le fascisme et l'éducation des esprits. La maladie et cette mise à l'écart volontaire clarifiaient ses choix. Il se tendait plus que jamais vers son pays.