PAUL POSSIBLE

 

Venu en ambassade dans un château perdu qui héberge une résidence d'artistes, Paul a rencontre le facétieux Esmed, pianiste prodige.

-Je sais pourquoi vous êtes venu. Quand Magda se met en quête de quelque chose ou de quelqu'un, on sait que ça va être du solide. Vous nous aiderez.

-Oui. En tout cas, vous Esmed, vous jouez divinement du piano. Et vous êtes tous si...

Le jeune pianiste tournait dans la pièce, regardant les tableaux accrochés aux murs.

-Si parfaits ! Oui, merci. Sinon, vous lui avez dit ?

-Quoi ?

-Qui j'attendais.

-Non.

-Vous auriez pu. Ça peut vous choquer. Je regrette qu'il ne soit pas venu. Je voulais faire l'amour avec lui.

-J'avais compris.

-C'est frustrant ici, on est jeunes et ce n'est pas facile.

-Vous faites ce genre de confidences à un vieux satire inconséquent ?

Esmed eut un rire frais.

-Vous vous voyez comme ça ?

-Je suis un homme marié qui a toujours eu beaucoup de faiblesses pour les femmes et plus j'ai avancé en âge, plus j'ai aimé qu'elles soient adroites...

-Je ne vous connais pas mais quand je vous regarde, je ne vois pas la personne que vous décrivez. Il faut ne pas avoir de scrupules pour séduire à la chaîne, vous, vous en avez.

Paul qui s'était assis, ne dit rien, laissant le jeune homme poursuivre.

-Vous avez réussi à revenir en Ambrany...Vous devez en être heureux. Vous avez un destin qui a pris forme. Moi, le mien est en germe et la seule chose qui m'intéresse pour le moment c'est de savoir comment je vais m'y prendre pour qu'Archad cède.

C'était une plaisanterie. Amusé, Paul poursuivit :

-Cet Archad là ou un autre ?

-On verra. Du moment qu'il est jeune...

-Oh moi, ma jeunesse est partie...

-Mais pas l'envie de faire l'amour !

-C'est une question très personnelle !

-Quoi ? Cette envie vous habite toujours, n'est-ce pas ? Vous devez beaucoup plaire ici. Toutes ces femmes...L'embarras du choix.

Paul ne répondit pas et montra un visage grave. Esmed l'observa puis reprit :

-Trop de choix ?

-Je n'ai pas vraiment le temps et pas non plus envie. Je reprends mes marques ici.

-Bien sûr, ça a du être dur...

-Vous êtes si jeune...Rien à quoi je puisse vous mêler.

-Je pense le contraire.

-Esmed, pensez comme vous voulez. Vous serez au dîner ?

-Le dîner ? Les pensionnaires n'y vont pas, elle a dû vous le dire.

-Ah oui, c'est vrai.

Sentant Paul désireux d'être seul, il le quitta, lui offrant soudain un beau visage exalté.

-Au revoir monsieur Barne. N'ayez pas peur de moi.

C'était adroit.

-Je n'ai pas peur de vous, Esmed.

-De quelqu'un d'autre, alors...

-Non plus. Ne soyez pas inquiet. A demain.

-Qui sait ce que j'aurais inventé ?

Le ton était rieur mais le regard sagace. Quelque chose en lui déstabilisait cet homme solide mais il ne savait pas quoi.

Le lendemain pourtant, Paul continua sa tournée sans avoir revu le jeune artiste comme il le souhaitait. Tout fut très formel et il ne trouva pas le moyen de le voir seul. Il y avait cette ressemblance qui par moments le gênait...Mais le temps filait et il devait partir. Ce que faisait cette femme était étonnant. Elle lui demanda de revenir afin de bien cerner les possibles de ces jeunes artistes et lui fit une demande :

-Vous devriez revenir plusieurs week-ends de suite. Je ne vous solliciterais pas autant que cette fois mais vous auriez une meilleure vision.

Il le fit et se passionna pour ces jeunes talents. Parler avec eux et les voir au travail était captivant et se promener dans le parc avec Magda était toujours un objet de surprise car elle avait l'esprit vif et une grande générosité.

Travaillant déjà pour placer ces quatre jeunes artistes dans les concerts, les expositions ou les récitals de chant qui émailleraient les mois à venir, il s’enquérait de ce phalanstère qu'elle avait créé sous la dictature. Quelle femme ! Tous deux s'entendaient bien et il était heureux de revenir.