Avant de retrouver la prison Etoile où il fut incarcéré, Paul Barne découvre la famille d'eSmed Eretz, le jeune pianiste prodige qu'il protège. C'est une famille frappée par une dure assignation à résidence dans des terres désolées.
Elle était vive d'esprit, cultivée et pertinente :
-Vous voilà de retour dans des contrées bien sombres pour vous, monsieur Barne...
-Pui, madame, mais paradoxalement, j'en suis heureux.
-Que vous ayez survécu à ce qu'ils vous ont fait subir est un exemple pour nous tous ! Il faut des gens comme vous. Des gens, qui nous rassurent.
-J'ai fait ce que j'ai pu, madame.
-De biens beaux livres ! Et des traductions d'auteurs inconnus à l'étranger à venir, j'espère...
-J'aimerais mais je ne sais où trouver le temps. Je l'ai eu en Angleterre mais je suis mieux au pays.
-Vous avez été courageux et persévérant.
Toute vive, elle changea de sujet :
-Vous suivez les concerts d'Esmed ?
-Presque tous.
-Il est à la hauteur ! Nous lui avons donné le goût de la musique.Il a commencé à neuf ans ! Chez nous, de toute façon, tout était musique...Et puis avec mon mari !
Même Irina, la grande sœur, était joyeuse, loin de l'image tourmentée qu'elle lui avait donnée.
-Tu devais être si beau, Esmed ! Et tu as du jouer magnifiquement ! Premier prix au conservatoire quand même !
-Inna, tu es une magnifique violoniste. C'est juste que tu veux rester ici en ce moment.
-Oui, Esmed, je veux rester.
Le repas, plutôt simple, était bon. Ils furent bavards et joyeux. Après le café, Paul demanda à Irina de chanter.
-Je sais, madame, que vous avez été cantatrice.
Elle interpréta deux ballades traditionnelles d'une voix de soprano qui n'avait rien perdu en beauté. L'émotion s'empara de Paul. Quand il jouait les fats à Dannick en refusant de voir ce qu'il se passait, cette femme enchantait les salles sans qu'il fut sensible à son art. Puis Inna joua Max Bruch au violon et là aussi, il se sentit triste. Cette jeune fille qui ne croyait plus en son avenir avait du penser plus jeune qu'il serait radieux. Il chercha le regard d'Esmed pour lui transmettre son admiration mais celui-ci détourna les yeux. Lui aussi était mélancolique. Sur l'instigation de Magda, il fit la connaissance de Max Kerretz. Il était alité dans une chambre aux rideaux tirés, une lampe de chevet allumée près de lui. Son fils lui ressemblait beaucoup.
-Monsieur Barne ! J'ai dirigé le Philharmonique de Dannick, vous savez et puis, j'ai eu quelques ennuis. Là, je relève d'une vilaine grippe, sinon, je vous aurais rejoint...
Il avait le visage défait et n'aurait pu se lever mais il gardait toute sa tête. S'en suivit une conversation à bâtons rompus. Max était un homme stylé, très cultivé qui avait adoré diriger un orchestre. Ne plus être chef d'orchestre avait une immense humiliation.
-Avec Beethoven, mes musiciens se surpassaient. Nous avons eu de grands succès ! J'ai gardé des enregistrements !
Cependant, Magda et Paul durent se retirer à regret, laissant Esmed en famille.
-Ne vous inquiétez pas pour eux. Il y a petit piano droit. Ils en joueront et chanteront ensemble. C'est ce qu'ils font à l'habitude. Après quoi, sa mère offrira à son fils un pull trop grand ou trop petit, qu'elle aura fait pour lui et il réussira à la faire rire. Malgré tout, ils s'adorent...
-De quoi vivent-ils ?
-Ils ont eu droit à une petite pension sous Dormann car on a considéré qu'ils prenaient leur retraite ! Depuis le changement de régime, ils reçoivent un traitement. Leur vie est donc moins difficile. Et puis ils ont un jardin. Et des chats que vous n'avez pas vus car ils sont partis à notre approche.
-Est-ce que ça leur suffit ?
-Nous sommes plusieurs à les aider.
-Je vais le faire aussi. Ils sont tenus de rester là ?
-Non, mais leur choix doit être respecté. Je leur fais envoyer des vivres, des livres, de la musique et des médicaments. Le croirez-vous ? Inna apprend la musique à des enfants du village, Irina fait l'institutrice, le père lit autant qu'il le peut...Les deux femmes arrivent même à aller se promener !