Paul retourne à Etoile, la prison où il fut "traité" comme individu à rééduquer. Il s'interroge sur les instructeurs.
Paul apprécia mais resta silencieux.
-Monsieur Barne, les instructeurs étaient malgré tout programmés pour tuer. J'ai donc quelques raisons de penser que son maintien à vos côtés une fois que vous seriez devenu l'un des chantres du régime n'aurait pas été paisible. Un écart, même involontaire, et vous étiez perdu.
-J'y ai souvent pensé. Dites-moi, vous avez entendu entendu parler des traitements médicamenteux et des opérations...
-Oui. Ce qui se pratiquait sur les prisonniers politiques...Ce sujet ne fait pas encore l'objet d'une information grand public.
-Je m'en doute bien.
-Cette façon de vous contrôler était abjecte. Là, où vous êtes allé ensuite, on a du vous soigner pour cela...
On l'a fait.
-Permettez-moi de revenir sur le sujet. Je suis avant tout un historien doté, je l'espère, d'une certaine psychologie. Ne perdez pas de vue qu'on vous a livré à quelqu'un de diabolique...Ce qui est surprenant, c'est que vous soyez là. Voyez-vous, je me suis penché sur la question suivante : qu'en était-il des candidats à la rééducation ? Environ soixante-quinze pour cent intégrait le système pour lequel on les avait préparés. Inutile de vous dire que l'effondrement de la dictature les a laissés démunis. Comme je vous l'ai dit, ils ont mis fin à leurs jours. Il aurait été difficile de savoir quoi faire d'eux, de toute façon. Dix pour cent ont été suicidés car ils ne réagissaient de façon inadéquate à leur transformation. Certains étaient devenus fous...Enfin, les cinq pour cent restant ont été des dissidents. Ils ont tenté de s'évader et sont morts dans les montagnes sans qu'on s'acharne à les retrouver. Ils se sont épuisés d'eux-mêmes. Il s'agit ici d'une moyenne. Les instructeurs, au départ, étaient beaucoup moins efficaces. En dix ans, ils sont devenus très performants.
-Et ceux qui sont dans mon cas ?
-On a tenté de s'emparer de certains d'entre eux, dont vous, pendant leur convoyage ou dès leur arrivée à Dannick mais là encore, les chiffres sont alarmants. Vous êtes très peu à vous en être tirés et le fait est que rares sont ceux qui ont voulu retrouver leur pays...
-Et encore plus rares ceux qui sont revenus dans cette machine à broyer...
-Oui, l'expression est juste. Toutefois, il s'agissait d'une machine complexe qui fabriquait beaucoup de produits de première nécessité et offrait des emplois en débarrassant la société d'éléments nuisibles. Je ne vous apprends rien : la propagande a été efficace. On a trouvé Étoile très productive...
Paul en avait assez appris. Il consulta les dossiers que son interlocuteur lui montrait et en reçut des copies puis il l'interrogea sur le devenir de la prison. Après lui avoir longuement répondu, Per Alstrohm lui dit encore :
-Il y aura une petite ville ici et honnêtement ce sera très bien ! Les jeunes générations ne devront plus avoir peur de cette zone et de cette prison...
-Vous savez comment se nommera cette ville ?
-Non, mais ce sera un nom plein d'espoir, j'en suis sûr.