ARTISTE Abs

Au retour, alors que chacun regagnait ses appartements, Magda fut claire :

-Le Bien et le Mal ne sont pas symétriques mais ils ne s'entachent pas non plus l'un l'autre comme on le dit souvent. Paul, vous avez fait presque tout le chemin. Plus rien de mal ne vous arrivera.

Elle prit ses mains dans les siennes et il en eut les larmes aux yeux.

-Plus rien de mal, Magda.

-J'en suis sûre. Tout vous quittera.

-Très bientôt.

-Oui.

Puis elle ajouta :

-Vous comptez beaucoup pour lui. Il faut lui parler.

-Je vais le voir ?

-Oui mais soyez bref.

Paul se rapprocha d'Esmed.

-C'est fini. Plus de démons.

-Je ne te crois pas. Je ne veux pas te parler.

Il lui fallut patienter plus de deux semaines car le jeune pianiste l'évitait et se montrait froid quand il le découvrait auprès de Magda. Il fit donc profil bas et manœuvra avec douceur.

-Tu es triste, je le sais mais il faut qu'on se parle.

Le jeune homme resta fermé puis se ravisa.

-D'accord, viens chez moi.

Ils s'installèrent dans un petit salon. Le jeune homme s'assit dans un fauteuil. Il portait un pull gris trop grand pour lui, tira sur ses manches pour faire disparaître ses mains et se pelotonna sur lui-même.

-La prison, il y avait de quoi ne pas supporter. Et tes parents si loin...

Esmed, tout raidi, laissa échapper une plainte :

-Tu penses que je suis un enfant.

Il voulait donc tout savoir mais il n'était pas à même de recevoir tant de confidences si heurtées et effrayantes. Mieux valait le rassurer.

-Un enfant, non. Je pense que tu es pur.

-Ce n'est pas le cas ! Je suis beaucoup sorti. J'ai vu du monde, des hommes d'âges divers. Besoin d'argent.

-Tu ne dois pas te mettre en danger...

-Ah ça, j'ai compris ! Mais toi, Tu ne l'as pas fait ? L'autre, il ne t'a pas envoyé des signaux clairs ? Celui qui te tourmentait, Paul...Je n'aurais pensé que tu avais ce type de relations avec lui. Il prend toute la place...

-Non, il est mort.

-Ah ? Tu crois que ce que tu as écrit reste crédible pour qui t'a vu dans ces couloirs...Et ces cheveux !

-C'est crédible. Ma vie s'est jouée avec ce combat que j'ai mené, mes prises de positions et mes livres...

Esmed était rageur.

-Tu te moques d'elle, de moi.

-Non. Elle n'est n'est pas directe pour les questions mais nous avons parlé. Elle sait ce qu'elle doit savoir. Jamais je ne me moquerai de quelqu'un comme elle. Et je ne le ferai pas de toi.

-Mais quand même, malgré tout le bien que tu veux faire, tu crains de faire le contraire...

-Oui et c'est sans doute pour ça que j'ai blessé qui s'intéressait à moi. Toi aussi. Il ne faut pas être hésitant. Ma femme, tu vois, elle a choisi et elle est bien plus forte maintenant. C'est pour cela qu'elle est si aidante avec ces femmes que la dictature a blessées, leur enlevant un mari, un ou plusieurs fils ou les molestant. Moi, ça a été difficile. En Angleterre, c'est comme si je m'étais heurté à deux clones de l'instructeur. Manipulé, j'ai fait du mal à deux femmes qui me plaisaient. L'une a été violée et l'autre a connu une mort sordide. J'avais fait le mal et dans la prison, ce sont des forces maléfiques qui m'ont atteintes.. .