Puis tout changea encore. La carrière internationale de Esmed prenant corps, il faudrait l'accompagner partout. Paul décida d'être celui qui aplanirait toute difficulté. Un jour, celui-ci revint sur les années difficiles qu'il avait traversées avant de rencontrer Magda.
-Mes parents m'ont installé chez un cousine à Dannick et je devais aller au lycée et aux cours de musique. Mais il y a eu ce contrat immonde que je ne voulais pas signer et les menaces. J'ai vécu n'importe comment. J'avais dix-sept ans.Je n'ai rien voulu dire à mes Ils n'ont jamais rien su. Magda m'a trouvé et aidé. Elle vient d'une famille puissante, ils n'ont pas osé. Et tu vois, maintenant !
-Et s'ils l'avaient fait ?
-Elle m'aurait fait passer en Suisse.
Il n'en dit pas plus et s'étonna qu'il fut resté aussi digne. Plus tard, le jeune homme lui dit :
-Tu sais, quand je me sentais très seul, je pensais à mes parents et à ma sœur. A plusieurs reprises, j'ai eu le sentiment de leur présence. Il suffisait d'ouvrir les yeux en gardant les paupières fermées et dans cet univers intérieur, ils étaient réellement là. Je crois qu'eux-aussi rêvaient de cette façon et ça nous guérissait de ces injustices et de notre séparation.
La musique l'avait beaucoup guéri aussi et il vivait pour elle. Paul, quand il le contemplait, se disait qu'il aimerait écrire sur lui et d'autres jeunes artistes. Ce texte, intitulé Seconde naissance serait une sorte de reportage, le faisant renouer ainsi avec le journalisme. Toutefois, il laissa ce projet au repos. Esmed ayant des contrats en Allemagne, en Autriche, en Italie, en France et en Suisse, il avait beaucoup à faire. Au fil du temps, il devint vraiment mélomane et se mit à écouter les voix secrètes de Brahms, Mozart, Chopin ou Debussy.
Et puis il côtoyait Magda, ce qui était un bonheur et se rapprochait d'elle. A ses côtés, il se sentait noble.
-Tu vas l'épouser ?
-Je suis toujours marié.
-Oh, allez...
-Elle ne voudrait pas.
-Si !
Ainsi, il s'apaisa et constata que sa vie s'unifiait. Lui aurait-on demandé des années auparavant de prédire son avenir, il n'aurait certainement pas imaginé mener cette existence...
Dans le nord du pays, là où avait régné la désolation, tout changeait. Des camions avaient déjà emporté d’Étoile les derniers vestiges d'un univers carcéral et d'autres camions transportaient par route de quoi construire une cité nouvelle. Des avions atterrissaient déjà sur un aéroport agrandi et en descendaient les travailleurs de demain. Un concours était lancé dans les écoles pour trouver un nom à cette cité qui naissait :
-Stella Corde avait proposé un petit garçon. C'est du latin et ça veut dire Cœur de l'étoile...Parce que d'un mauvaise chose, on peut faire une bonne...
Paul ne savait si cette proposition serait retenue mais pour lui, c'était la meilleure et si d'aventure, il allait voir cette ville nouvelle, c'est bien ainsi que, pour lui, elle s'appellerait...
