A Newark, deux jeunes gens viennent de voir le Lac des cygnes et s'interrogent sur le sens de l'oeuvre...
-Tchaïkovski ? Tu sais que tu as raison ? Tu as vu ce soir l’une des versions possibles car il existe quatre fins …Je te les présente !
-Bon, voici la première : L'amour véritable d'Odette et de Siegfried triomphe de Von Rothbart. Le prince lui coupe une aile et il meurt.
-C’est très moral.
Kirsten était d’accord. Elle était cependant pressée d’en arriver à la suite :
-Voici une autre piste : Siegfried déclare son amour à Odile sans savoir qu’il condamne, sans le savoir, Odette à demeurer un cygne pour toujours. Réalisant que ce sont ses derniers instants en tant qu'humain, elle se suicide en se jetant dans les eaux du lac. Le prince se jette lui aussi dans le lac. Cet acte d'amour et de sacrifice détruit les pouvoirs du monstrueux sorcier avant de l’entraîner à sa perte. Les amants s'élèvent au paradis en une apothéose.
-On n’avait peut-être pas ce qu’il fallait, à Newark, pour une telle mise en scène !
-Tu veux dire, une scène assez petite ? Oui, c’est une bonne remarque. Je termine. Voici encore une fin envisageable : Siegfried court jusqu’au lac et supplie Odette de lui pardonner. Il la prend dans ses bras mais elle meurt. Les eaux du lac montent et les engloutissent.
-C’est très spectaculaire ! Et la dernière ?
-Siegfried n’en a plus que pour Odile et de ce fait, il condamne Odette à demeurer un cygne pour toujours. Celle-ci lui échappe en s'envolant et le pauvre prince comprend que l’oiseau noir et son perfide maître l’ont abusé. Il reste seul, abandonné à lui-même avec pour seul horizon un chagrin et un remords éternel…
-Mais c’est terrible dans tous les cas !
-Je suis d’accord mais c’est un ballet si beau !
-J’ai adoré, tu sais ! Moi, Clive Dorwell, être subjugué par un ballet classique !
Nous sommes restés longtemps dehors cette nuit-là. On était vraiment très jeunes. L’année a filé. J’ai tenu bon et de moi, elle n’a obtenu rien d’autre que de « l’amitié ». Elle me l’a pourtant demandé à plusieurs reprises, de l’embrasser et de lui faire l’amour, enfin, elle n’a pas été si directe. J’ai été sot. Je ne pensais qu’à mes rencontres secrètes avec des partenaires plus âgés, ça me donnait de la force. Je n’avais pas l’impression de mentir mais bien plutôt celle de devenir celui que je devais être. J’irais dans une grande métropole et je vivrais ce que j’avais à y vivre, en me moquant bien des qu’en dira-t-on d’une petite ville…