La disparition brutale du brésilien Anselmo Feleppa accable George Michael. Il se met à parler en rêve à son compagnon disparu. Cette douleur fait naître Older, un album magistral...

Tu sais, je me sens coupable. J'ai eu toutes sortes de partenaires. Les hommes gays de ma génération en avaient souvent beaucoup. Quand cette maladie est apparue, ils ont cru qu'ils seraient punis parce qu'ils s'amusaient trop. C'est pour ça qu'ils se sont protégés. Je ne l'ai pas toujours fait mais, malgré tout, je suis resté sain. Toi, au contraire, tu as été puni d'une façon terrible !

Tu te souviens, ces images pieuses, ces petits feuillets de prière que tu gardais avec toi...Je n'ai pas compris, je pensais que tu t'abaissais...J'ai eu tort. Elle, toi, vous étiez si dignes.

J'ai un album en tête et je vais parler de toi. Je dirai ton courage dans la fragilité, je dirai la tendresse que tu portais aux actes les plus simples qu'on accomplit dans la vie, je dirai sa dignité à elle, ta mère. J'ai cru qu'elle faisait preuve d'une abnégation stupide après ta mort mais maintenant elle me sidére. Si digne, si transfigurée..Je vais le dire...Et je sais maintenant que tu entendras...

Tu as été aimé !

Tu as été aimé !

Je voudrais tellement que tu te tournes vers moi au réveil, tes cheveux tout emmêlés, et que tu souries. Je voudrais qu'on nage de nouveau ensemble, qu'on roule en décapotable, qu'on danse et qu'on s'embrasse, je voudrais t'entendre chantonner sous la douche, parler brésilien au téléphone, te plaindre que tu mangeais un peu trop ou qu'il n'y ait plus de champagne. Je voudrais tellement, tellement que tu sois là avec ce regard d'enfant qui brûle d'aller s'acheter des friandises. Je voudrais effacer ta peine et celle des tiens. Cet Américain t'a contaminé, il te donnait de l'argent...Ce n'est rien, ce n'est rien ça. Je t'aime. Je vais continuer de t'aimer.

Je vais faire ces chansons où je parlerai de toi. De ta mère aussi. Elle a raison : tu étais mon ange et tu le restes...

Tu as été aimé !

Tu as été aimé !

 Et cette fois, il montrait qu'il changeait vraiment. L'homme vrai, celui qui souffrait de la perte de l'amour et traversait l'épreuve du deuil. Un deuil féroce et laminant qui le laissait néanmoins créatif et comme épuré...En mai 1996, sortit son troisième album Older et ce fut celui de la maturité. Il le dédia à Anselmo bien sûr mais aussi à Antonio Carlos Jobim, un chanteur de bossa nova qui était mort un an après lui. Il avait sans doute influencé la tonalité jazz de l'album qui était très perceptible dans la chanson titre comme dans Spinning the wheel, To Be Forgiven, ou encore Move on. Mais d'autres influences musicales étaient perceptibles, le R&B, la soul...Fidèle à sa légende de touche à tout, George jouait de plusieurs instruments sur cet album et en avait signé tous les arrangements. En outre à une exception près, il avait, à l'exception d'une seule, composé toutes les chansons sauf deux. Pour You have been loved, il avait retrouvé le David Austin de ses jeunes années. Et puis, il avait créé sa propre société de production Aegean et s'était adjoint un copain de jeunesse, chypriote comme lui...Il était fier de cet album avant même d'en connaître la réception critique et cette fierté l'avait animé tout le temps où il avait composé seul. Certaines chansons étaient déjà et d'autres somnolaient dans une des chambres de son âme musicale. Il n'avait eu qu'à leur demander de naître. Tu vois, je l'ai fait ? Tu étais si prêt de moi ces derniers temps...Cette image de ta mère qui te revoit quand tu partais à l'école avec ton sac dans le dos, je l'adore..Et celle où tu es celui qui s'évapore littéralement des bras de sa mère alors qu'elle croit encore étreindre son garçonnet de huit ans, aussi... Tu m'a tellement inspiré...Je sais que tu m'as glissé certaines paroles à l'oreille...Je sais...