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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
16 août 2022

George D. Celui qui meurt. Partie 1. Parce que c'est toi...

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Lors d'un de ses concerts donnés à Rio, George Daniel, le célèbre chanteur, rencontre un jeune brésilien...

Un grand naïf ou un mythomane, voilà ce qu’il était. Je n’irais pas bien sûr… J’y suis allé. La veille, il était en noir et là, il était en blanc. La lumière était très vive. J’avais fait comme il disait : sortir par derrière, mouiller mes cheveux, porter une casquette (!) et j’avais délaissé mon « uniforme » sexy habituel. Mon chauffeur et mon garde du corps m’ont convoyé à mi-route puis reçu l’ordre formel de débrouiller seuls, ce qui les a plongés dans un affolement total. Je me suis rué sur un taxi à qui, à grand peine, j’ai réussi à expliquer où je voulais aller. A l’arrêt de bus indiqué, j’ai rejoint A qui a paru suffoqué.

-George, tu as pris un taxi ?

-Il fallait bien !

-Et cette casquette ! Oh et tes lunettes ! Elles sont si petites ! Tu t’es vraiment déguisé ! Ce veston rayé, c’est proprement…

Il est parti d’un fou rire inextinguible.

-Cet Anglais est fou, il est fou !

On s’est d’abord baigné. A avait très peu d’affaires et il était vêtu simplement. Sans être sur ses gardes, il faisait profil bas. Je comprenais que ce n’était pas une plage de riches, loin de là. Les étrangers pouvaient y venir à condition de ne rien avoir de précieux. Lui-même n'avait même pas de montre, juste une chaîne au cou avec un médaillon. Il y avait la Vierge dessus. Ce devait être une blague. On a sauté longuement dans les vagues. La mer était délicieuse. Tout était évident. Quand enfin, on est sorti de l’eau, on s’est épongé. J’avais pensé au maillot de bain mais pas à la serviette. Il en avait deux avec lui et de la crème solaire. Il m’en a appliqué avec soin sur le dos, le torse, les jambes et le visage. Ses doigts m’effleuraient sans s’appesantir et quand on se regardait, il avait cette même timidité enfantine que je lui avais vue. Il y a des années que je n’avais vu quelqu’un comme lui, peut-être à cause de l’environnement sophistiqué dans lequel j’évoluais. Il était totalement naturel. On est resté assez longtemps sur la plage en se parlant sans hâte puis il a dit :

-Tu as une peau d’anglais et si tu restes encore, ton public ne te reconnaîtra pas ce soir ! Viens, on va se doucher et manger.

 

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Il y avait enfin des douches rustiques en haut de la plage. Le restaurant était simple mais succulent. Il a commandé du poisson.

-Tu fais quoi au Brésil ?

-Je suis designer.

-Oh designer, c’est bien !

-Et couturier ?

-Aussi !

-Tu sais faire des compliments, monsieur l’Anglais…Un couturier au Brésil, ce n’est pas un designer. Bon, je suis à mon compte…

-Des robes pour femmes ?

-Non, des tenues de sport pour les hommes.

-Ah oui ?

-Ris, ne t’empêche pas de rire.

-Je ne voulais pas te blesser.

-Ah mais ça ne me choque pas ! Le sport, c’est ma nouvelle donne. Les robes chics, j’ai fait et les sous-vêtements aussi ! Pour femme et pour homme ! Je peux te créer des modèles originaux, si tu veux !

-De sous-vêtements masculins ?

-Je t’assure ! C’est du sur-commande et je fais respecter mes tarifs mais ce sera très bien.

-Tu dois prendre les mesures ? Le haut et le bas ?

-Ah, tu t’amuses bien, hein ? Non, pas la peine. J’ai l’habitude. Si tu veux des chemises ou un costume, je peux te les faire aussi. J’ai une clientèle d’habitués. Je sais ce qui t’irait…

Il avait des yeux malicieux. Sa peau était lisse, belle, sa voix me troublait. Il m’envoûtait. Il avait toujours vécu à Rio. Ses études, il les devait à une bourse que lui avait attribué une de ses associations où les riches aident les pauvres et se congratulent de l'avoir fait. Il avait tenté sa chance et ses modèles et avait eu l’heur de plaire. Les femmes voulaient ses robes vaporeuses qu’il créait pour elles et les hommes ses costumes impeccables…Quant aux sous-vêtements qu’il créait, ils étaient très gais et taillés dans des imprimés très éloignés des standards anglais mais ils étaient très bien faits. On a repris un taxi et il m’a montré son atelier. J’ai été saisi. Un couturier sans renom certes mais un couturier. Il avait le sens de la coupe, connaissait les tissus et savait marier les couleurs. Son atelier n’était pas très grand mais il devait y régner une atmosphère agitée quand tout le monde y faisait son maximum. A employait cinq personnes. Sur les cintres, il y avait en effet des vêtements de sport mais aussi des robes de jour, des robes du soir et des costumes pour toutes les occasions. J’ai regardé le tout avec attention : chaque pièce était de très belle facture.

-Tu fais beaucoup de sur-mesure ?

-Maintenant oui parce que j’ai trouvé un public qui veut des vêtements uniques. Personne d’autre ne les porte, tu vois ? Mais après, je réplique des modèles. Il y en a que ça ne dérange pas.

-Comment tu t’es fait connaître ?

-Ah oui, j’ai participé à des concours pour présenter mes modèles et j’ai gagné des prix ! Un seul n’était pas nul. De l’argent venait avec…

Il a éclaté de rire avant que je ne le fasse moi-même.

-Tu vois la différence avec toi ? Toi, tu t’es mis à chanter et tout de suite…

-Non, au départ je chantais dans le métro…

-Oh, allez, tu as faire ça deux semaines ! Tu as tellement de succès ! Jamais je n’aurais raté ton concert et tu sais je voulais absolument être au premier rang !

-Tu parles bien anglais.

-On peut l’apprendre au Brésil…

-Avec les touristes ?

Il a rougi et baissé la tête. J’avais dit ça comme ça mais il donnait à mes paroles un tour plus pernicieux. Je le prenais donc pour un chasseur de jeunes ou moins jeunes Anglais ou Américains en quête de sensation gay payante…

-Je viens de dire quelque chose de stupide ?

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