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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
13 août 2022

George D. Celui qui meurt. Partie 1. Un ballet pour rire.

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10 Valeria. Roquebrune. Décembre 2015. Dans le sud de la France, un chanteur célèbre aux abois a été recueilli par une bande de jeunes artistes. Mais que veut-il exactement? Etre au secret ou reconnu. Valeria s'interroge...

Comment ont-ils pu faire ça ? Se promener dans un palace à Nice ? S’ils n’ont pas donné le change, on saura très vite que George Daniel est ici. J’enrage vraiment. Ils m’affirment qu’ils ont fait tout un détour pour rentrer et qu’absolument personne ne les suivait. Admettons. Mais c’est tout de même très bête !

Il y a des photos de George et de plusieurs d'entre nous sur le net. J’ai vu celles où il est à Nice avec Marjan, Nicholas, Joanna et Erik. On en fait bien sûr fait d’autres depuis mais elles n'apparaissent que sur nos blogs (pour ceux d'entre nous qui en ont un) ou sont sagement rangées sur nos ordinateurs ou nos téléphones. Tout ce qui vient de nous est privé et ne nous inquiète pas mais les autres, celles que les « admirateurs de George Daniel » ont prises devant le Negresco et sur la promenade des Anglais sont publiques, ce qui peut poser quelques problèmes pour lui comme pour nous. Par prudence, depuis que George est arrivé dans la villa, nous n’utilisons pas la ligne fixe. Les téléphones sont débranchés. Seuls les portables fonctionnent…

Voilà donc un paradoxe : cet homme a implicitement exigé de nous que nous soyons discrets pendant son séjour dans la villa et en ce sens, nous lui avons obéi. Rien n’a filtré. Nous sommes restés muets à son sujet et le personnel de maison a suivi. Aucune fuite et pour lui, une libération…

Seulement voilà, il a une relation ambiguë à la célébrité. Très jeune, il l'a voulue et certainement aimée avant qu'elle ne lui pèse et qu'il la subisse. De la même façon, s'il s'est mis à haïr la presse à scandales qui l'a traqué des années durant alors qu'au départ, il riait à gorge déployée de ce qu'on écrivait sur lui. Amour et désamour : il a parcouru une sorte de chemin de croix et ce qui l'a le plus accablé, je crois, est qu'on traite légèrement sa musique. Elle reflétait, pour les plus anciennes, des tendances musicales passées de mode (il avait plus de trente ans de carrière) mais elle était profonde, sophistiquée et souvent brillante. Le reste : ses multiples amours et aventures et son goût pour les états éthyliques et les paradis artificiels, il s'était habitué à ce qu'on en parle souvent et en mal. C'était du moins ce qu'il prétendait.

Sur la Côte d'azur, il est arrivé secrètement et il nous est apparu qu'il voulait rester anonyme. Pourtant, être pris en photo par des fans en compagnie « de jeunes gens en vacances » ne l'a pas gêné. Il savait pourtant que ces photos circuleraient sur les réseaux sociaux. J'ai même entraperçu un premier montage avec fond sonore sur You tube. C'est bizarre. Pourquoi changeait-il ainsi son fusil d'épaules ? Que cherchait-il ?

Nicholas, radieux, est venu me voir dans ma chambre tandis que je laquais de rouge-foncé mes ongles de pied. J'ai abordé le sujet mais il a haussé les épaules. Il ne voyait là qu'une anecdote banale sur laquelle il n'y avait pas à s'appesantir et de toute façon, excité comme il était, je voyais bien qu'il avait la tête ailleurs...

Il a passé des coups de fil pour que j’aie des engagements importants. Il faudra des auditions mais il se porte garant. Je peux, après tout, jouer dans des styles très différents. Les rendez-vous sont déjà fixés !

-J’étais perplexe.

-Je sais que tu es brillant. En lui, tu as confiance ?

-Oui.

-Tu as raison, je pense. En tout cas, ça peut sérieusement infléchir ta carrière…

-Je sais, je pourrais jouer sur le fait que je lui ai sauvé la vie mais je t’assure, c’est lui qui a démarché. Je ne lui ai rien demandé.

Dire à Nicholas qu’il pouvait à ses heures être très opportuniste n’était pas du meilleur goût à cet instant. J’étais en effet certaine que le paramètre « vous alliez vous noyer mais j'étais là » n'avait pas été écarté même si amené dans la conversation avec beaucoup plus de finesse mais devant son aveuglement forcené, je me suis tue. Après tout, je n’avais aucune idée de ce que George Daniel avait pu lui dire. Ce que je pressentais, c'est qu’à condition de bien se tenir lors des auditions, Nicholas pouvait voir la vie en « plus rose ». Dans la foulée, il m’a annoncé que Joanna et lui repartaient le 28 décembre. Chacun étant libre, je lui ai dit que tout était très bien.

J’ai tout de même été troublée quand Jonathan m’a fait lui-aussi des confidences. J'ai tenté de les retarder en reprenant le thème des photos à Nice mais lui-aussi s'en moquait. Après tout, il pouvait y avoir de jeunes fans posant avec l'objet de leur vénération. Là n'était pas ce que le concernait ! Monsieur Daniel souhaitait lui acheter deux bronzes pour son domicile londonien. Tout d’abord un jeune homme qui s’étirait, un danseur probablement. Sur la pointe des pieds, il jetait ses bras en arrière. Ensuite une femme assise sur une chaise, se tenant le dos très droit, en combinaison, ses cheveux longs mal retenus par une grosse barrette. En outre, il lui faisait une grosse commande : il voulait plusieurs visages d’enfants avec des expressions diverses, de l’incompréhension au désarroi pour aller à la souffrance totale et à la joie. Il avait discuté très précisément de ce qu’il voulait et il souhaitait recevoir des esquisses. Les deux premières œuvres étaient déjà acquises et payées. Elles partaient à Londres. La troisième œuvre serait décisive. Jonathan sculpterait en Australie. Entre temps, à Paris et à Londres, George Daniel avait contacté des galeristes. Ils recevraient le jeune sculpteur. Pour Sydney, il ne pouvait rien faire. Comme Nicholas, Jonathan nous faussait compagnie. Il irait à Paris avec sa femme et lui, ferait un saut à Londres, après quoi, ils retourneraient en Australie.

Je me suis demandé si notre élégant monsieur Daniel n’allait pas commencer à démarcher les autres. Tant qu’à faire…

Il nous restait Guillaume dont la fiancée, Élise, était arrivée le 29, juste après le départ des autres. Elle emmenait avec elle Pierre, son jeune frère âgé de dix-sept ans. Personne n’était au courant mais tout le monde a été ravi. Ça a fait monter les enchères à trois hommes faits (George, Guillaume, Erik) et trois femmes (Marjan, Carolyn et moi-même). Restaient deux outsiders : Pierre et Elise. Ah, pardon, j’oubliais mon petit ami, Michele.

Honnêtement, les premiers jours n’ont pas été évidents. Pour commencer, j’aimerais parler de moi. Je venais de recevoir un courrier électronique de Dolce et Gabbana qui augurait la donne. Si je ne passais pas la barre des trois mois, ce n’était même plus la peine…Je continue avec Carolyn. Elle faisait une pause suite à de nombreuses désillusions. Elle s’accrochait à une comédie musicale dans laquelle elle aurait un rôle « chantant » en février. Je croyais fort en elle mais je commençais à espérer que monsieur Daniel ne l’auditionne pas. Qui sait ce qu’il lui dirait ? Du bien après tout, s’il la pensait douée mais si c’était le contraire ? Il n’était pas du genre à mâcher ses mots.

Et puis, à Marjan, à Carolyn, à moi, il prodiguait des encouragements qui n’étaient suivis de rien d’autre… Fallait être un homme, gay ou non, pour qu’il aille au-delà ?

Bref, j’étais énervée d’autant qu’avec Erik, le plus beau, le plus doué de nous tous (c’est ce que j’avais toujours pensé), il devenait franchement pénible. Les photos qui circulaient sur le net l’avaient au bout de compte mis mal à l'aise. Certaines étaient recadrées... Il venait d'avoir un échange froid avec Julian : Bravo Erik ! Tu te promènes à Nice avec une pop star anglaise plus très fraîche et il faut que ce soit un serveur de restaurant New -yorkais qui m'apprenne que vous êtes tous deux très souriants sur le net. Je peux savoir quelle est la prochaine étape ? Méfie-toi. Il a une tête à abuser du viagra, entre autres...Il n'avait pas pensé à mal et se trouvait d'autant plus dans l'embarras que George s’amusait beaucoup de ces photos « où ils avaient l'air complices » ...Son ami l'attendrait à l'aéroport au Canada et il pressentait déjà un échange houleux.

Pour ne rien arranger, Guillaume lui en voulait de lâcher Toronto et de céder aux exhortations de son « compagnon » américain qu'il considérait comme omniprésent et peu commode. Il avait signé pour le New York City ballet, ce qui avait de quoi adoucir l'amant retors mais n'avait pas lâché pour ce tournage de quatre semaines au Danemark ce qui obligeait l'Américain à le suivre...Sans compter qu'il négociait déjà pour un autre tournage ! Tenace, le bel Erik pour ce qui était de sa carrière mais tout de même très doué pour faire naître la discorde. Ne connaissant pas son compagnon, je le jugeais en mauvaise posture mais ni Guillaume ni Élise ne me donnaient raison. C'était un homme fort et Erik tenant à lui était malgré tout obligé de composer...

Un matin dans l’annexe, je suis allée le voir. Une des salles pouvait convenir à un danseur qui voulait s’entraîner. Il y avait quelques miroirs et des barres. Il avait mis une bande son et il dansait. Je suis restée là, à le regarder, dans la plénitude de ses vingt-cinq ans. Il virevoltait avec une grâce infinie…

-C’est le Spectre de la rose ?

-C’est le Spectre de la rose !

-La salle s’y prête ?

-Ce n’est pas une salle !

-Ne tombe pas !

-Tu es maligne, toi.

Soudain, il était là, l’autre, avec un air de reproche. Il n’était pas vraiment entré dans la salle mais se tenait à l’entrée, les bras croisés et le visage fermé. Il avait dû voir des vidéos d’Erik et il était tombé sous le charme…Ah mais !

Il ne savait rien de rien. Le petit Erik de dix ans, moi, je le voyais clairement. Le chagrin lié à la mort du père, l’école, les cours de danse, les concours, le fait qu’il était très doué…Il avait été brave, très brave. Des concours difficiles. Étoile à dix-neuf ans. Apte à endosser un répertoire redoutable. Quelques tournées. Londres et Paris. Toronto par culot et New York. Il ne lésinait pas. Fort, très fort. Il convainquait les critiques retors. Tu m’étonnes qu’on le jalouse…

Il ne l’avait pas vu, l’autre, mon jeune danseur et pour lui, on était tous les deux et on pouvait rire.

-Tu ne veux pas que je fasse la jeune fille endormie ? Je me mets sur ce fauteuil !

Fais !

-Allez, ces beaux ports de bras, tu me les feras ? 

-Si tu es sage !

Il venait de remettre la musique en marche et je l’entendais presque compter. Un danseur compte. Et il tournait autour du fauteuil et il avait ces mouvements d’une grâce infinie….

-Et le saut final ?

-Je ne peux pas !

-Tu es sûr ?

-Je ne peux pas ! L’espace manque.

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